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autre sur la scène du monde, pour y faire momentanément d'illustres dupes, et comment on chercha à jeter une plus grande confusion dans une affaire déjà assez confuse, en y adjoignant ce fameux jongleur italien, se disant le comte de Cagliostro, le fils du grand-maître de Malte, Pinto, le petitfils du shérif de la Mecque, et l'héritier de l'empire de Trébisonde, tandis que ce n'était qu'un ancien laquais napolitain, fils d'un barbier de village. Tous les curieux conservent ces mémoires cabalistiques et inintelligibles qui parurent dans le temps, ainsi que les libelles atroces que publia à Paris et à Londres la femme qui avait ourdi toute cette trame d'iniquités. Il ne fallait pas moins que discernement des magistrats sévères et inflexibles du parlement de Paris, et une instruction de près d'une année, pour démêler la vérité au milieu des nuages de toute espèce dont on cherchait à envelopper l'innocence de la reine. Mais ce fut en vain que l'équité présida à ce jugement, en vain les événemens postérieurs achevèrent encore de dévoiler ce mystère de scélératesse, le coup était

le

ment des traits de cette nature à vous raconter, tandis qu'il s'offre de si fréquentes occasions à ceux que de semblables actions pourraient couvrir de gloire! »

Cette femme, dont la jeunesse est présentée ici sous des couleurs intéressantes, est celle qui joua depuis un rôle si fameux dans la scandaleuse affaire du collier, et qui, flétrie à Paris par une condamnation infamante, termina ses jours à Londres, dans la misère et la prostitution. Voyez les Mémoires de Ferrières, tome III, pag. 70. (Note des nouv. édit.)

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porté, le prétexte était fourni, les ennemis de Marie-Antoinette étaient trop heureux de trouver un aliment à leur haine, dans cette infamie, pour laisser échapper une occasion si favorable d'empoisonner sa vie, et de la présenter sous un faux jour à la nation française. Marie-Antoinette n'eut de recours que dans son innocence, dans la confiance de Louis XVI qui n'en fut pas altérée un moment, et dans les consolations de l'amitié qui lui furent prodiguées, surtout par madame la princesse de Lamballe et par madame la duchesse de Polignac. Ce fut à cette occasion qu'elle dit à la première ces mots remarquables au sujet des libelles odieux où elle était traitée sans ménagement: « Il semble que la perversité ait calculé de sangfroid tous les moyens de froisser mon ame; mais je triompherai des méchans en triplant le bien que j'ai tâché de faire; il est plus aisé à certaines gens de m'affliger que de me forcer de me venger d'eux. »

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Un autre reproche dont les ennemis de MarieAntoinette n'ont cessé de l'accabler jusqu'au tombeau, fut l'attachement exclusif qu'on lui supposa pour son pays natal. On prétendait que, malgré qu'elle parlât constamment de son amour pour la nation française, dans le fond de son cœur elle était toujours autrichienne; toujours disposée à sacrifier les intérêts de son époux à ceux de son frère, l'empereur Joseph II. Une cabale puissante à la cour était contraire à toute union avec l'empe

lui promit de la faire bien placer. Pour mieux tenir sa parole, il lui demanda son nom, afin de l'inscrire sur ses tablettes, et de la recommander à l'officier qui serait chargé ce jour-là de la police de la revue. On peut juger de la surprise du vénérable maréchal, lorsqu'il apprit de la bouche de la dame à laquelle il venait d'offrir l'assurance de ses soins, qu'il parlait à Marie-Antoinette elle

même !

Quelle était pourtant cette souveraine que des Français se plaisaient ainsi à outrager, et dont les plus vieux courtisans ne reconnaissaient plus la beauté flétrie par la douleur ? C'était celle sur laquelle, peu d'années auparavant, le célèbre chef de la littérature française avait fait ce fameux quatrain rempli de grâce et frappant de justesse

Le Ciel mit dans ses traits cet éclat qu'on admire ;

France, il la couronna pour ta félicité;

Un sceptre est inutile avec tant de beauté ;

Mais à tant de vertus il fallait un empire (1).
LAHARPE.

:

C'était celle dont les portraits qui la représentaient entourée de ses enfans, attiraient constamment les regards de la foule au salon de peinture où ils étaient exposés d'abord, et dans les salles de Versailles dont ils faisaient, et font même en

(1) Dans la foule des hommages dont la reine était l'objet, Weber eût pu faire un choix, plus heureux. Voici des vers que nous nous plaisons à citer. Voisin du trône sur lequel il est monté depuis, l'auteur ne se fit point connaître. Nous nous imposerons

core aujourd'hui le principal ornement. Tableaux délicieux que l'on ne se lasse pas de considérer devant lesquels le sujet attaché à ses anciens maîtres, leurs vieux et fidèles serviteurs de Versailles et de Paris viennent encore aujourd'hui répandre des pleurs, au souvenir des vertus et de la bonté que Marie-Antoinette leur retrace; et devant lesquels l'étranger, accouru des extrémités de l'Europe pour visiter les débris de la France, partage son admiration entre la beauté du modèle, et le talent de la femme célèbre (1) qui a pu ainsi lui donner une seconde vie.

C'était celle qui frappait encore d'étonnement, au mois de juin 1788, par la majesté de sa contenance et l'éclat de sa physionomie, ces malheureux ambassadeurs de Tippo-Saïb, qui étaient venus du fond de l'Orient à la cour du grand roi, et qui trouvèrent, dans les fêtes et dans les cérémonies mêmes dont ils furent l'objet, la cause de la mort que leur fit subir le tyran qui les avait envoyés, humilié du récit qu'ils lui firent de la magnificence et

par respect, sur le nom du poëte, un silence qu'il gardait par modestie. La reine, en recevant un éventail d'une main qui lui était chère y trouva ce charmant quatrain

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Au milieu des chaleurs extrêmes,

Heureux d'amuser vos loisirs,

Je saurai près de vous amener les zéphirs:

Les amours y viendront d'eux-mêmes.

(1) Madame Lebrun.

(Note des nouv. édit.)

W.

des pompes

de Paris et de Versailles, de la prospérité, de l'étendue et de la puissance de la France. Hélas! je m'en souviens avec douleur, j'étais présent à cette réception imposante, où le goût et la richesse avaient déployé tous leurs efforts pour donner à ces Asiatiques la plus haute idée de la monarchie française: je vois encore ces ambassadeurs arrivés, après une longue marche, au travers de mille beautés assises en amphithéâtre dans toute l'étendue des immenses appartemens de Versailles;

les vois entrant dans le salon d'Hercule; et là, aux pieds du trône, de Louis XVI, rester près d'un quart d'heure dans l'impuissance de parler, frappés d'étonnement et d'admiration à la vue de tant de grandeur et de richesse que la cour de Louis XVI étalait à leurs yeux. Mais ce fut moins les marbres, les tableaux, les tapis qui décoraient cette belle salle ; ce fut moins l'or, l'argent, les broderies, les diamans qui étincelaient de toutes parts, qui enchantèrent et éblouirent ces bons Orientaux, que l'aspect de Marie Antoinette, qui absorbait tous les regards. J'essaierais vainement de retracer l'éclat qui l'environnait à cette cérémonie; il n'y a qu'un des beaux vers de Racine qui me paraisse digne de l'exprimer :

Le monde en la voyant eût reconnu sa reine (1).

(1) Imitation des vers de Bérénice parlant de Titus :
En quelqu'obscurité que le ciel l'eût fait naître,
Le monde, en le voyant, eút reconnu son maltre.

Pendant la plus grande partie du règne de la reine, la galan

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