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Parlerai-je ici de cette anecdote scandaleuse du fameux collier de diamans, qui fit tant de bruit en France et dans toute l'Europe? de cette intrigue honteuse qui compromit tant de personnages illustres, et qui empoisonna, d'une manière si cruelle, ·les dernières années du règne de Marie-Antoinette? Hélas! je fus témoin de cette scène, de l'agitation qu'elle causa, des mesures qu'elle entraîna, des larmes qu'elle fit répandre. Qu'il était difficile, au milieu de la surprise que causa la révélation subite d'un complot où le nom de la reine se trouvait si étrangement mêlé, d'un complot dont les ramifications étaient inconnues, de garder une juste mesure dans la douleur, comme dans la punition! Tout-à-coup on voit un prince de l'empire, un prince de l'Église, un grand-aumonier de France, le cardinal de Rohan, arrêté dans le château de Versailles, le jour de l'Assomption, au moment où

goût si sûr, le cœur si compatissant, fût insensible à ses malheurs, à l'éclat de ses talens, aux traits de son éloquence entraînante. Dans les liens de cette société d'amis qui la soulageaient des ennuis du trône, peut-être eût-elle donné librement des regrets à la mémoire de J.-J. Rousseau et des éloges à plusieurs de ses écrits : mais en présence de la cour, dans une circonstance où la foule attentive avait les yeux ou verts sur ses démarches, et prêtait l'oreille à ses moindres discours, la femme spirituelle et sensible qui avait lu les ouvrages du philosophe et de l'écrivain, la mère qui avait profité peut-être des conseils de l'Émile, devaient disparaître pour ne laisser apercevoir que la reine. Quelque sujet de triomphe que le silence de Marie-Antoinette ait pu préparer alors à l'envie, il faut la louer de sa réserve, sans l'accuser d'indifférence pour cendres d'un grand homme. (Note des nouv. édit.)

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il venait de remplir les fonctions de sa charge. Deux officiers des gardes le conduisent à la Bastille. On sait qu'il a donné un ordre en allemand à un de ses gens pour faire brûler des papiers par un secrétaire de confiance; on sait qu'il a été conduit devant Leurs Majestés; qu'interrogé par le roi sur un fait grave, il a balbutié; qu'ayant demandé du temps pour se recueillir et répondre par écrit aux accusations qui lui sont faites, il n'a rien pu tracer ni répondre de satisfaisant : cependant on ne veut voir d'abord dans cette scène extraordinaire qu'un acte de vengeance de la reine contre un homme dont on suppose qu'elle avait à se plaindre pour quelques propos indiscrets tenus avant son alliance avec le dauphin (1); les premières atteintes de la

(1) L'abbé Georgel, dans ses Mémoires, raconte les causes du ressentiment dont la reine était, dit-on, depuis long-temps animée contre le cardinal. Si cet exposé est fidèle, comme tout porte à le croire, il accuse l'inconcevable légèreté des ministres de Louis XV, il explique surtout, d'une manière honorable pour Marie-Antoinette, un sentiment d'inimitié qui prenait sa source dans son respect et dans son attachement pour la mémoire de sa mère, l'impératrice Marie-Thérèse. Voici le passage de l'abbé Georgel :

<< Dans une lettre particulière, séparée de la dépêche et écrite de sa propre main au duc d'Aiguillon, le prince Louis s'énonçait en ces termes : ... « J'ai effectivement vu pleurer Marie-Thérèse >> sur les malheurs de la Pologne opprimée ; mais cette princesse, » exercée dans l'art de ne point se laisser pénétrer, me paraît avoir » les larmes à commandement; d'une main elle a le mouchoir pour » essuyer ses pleurs, et de l'autre elle saisit le glaive de la négo»ciation pour être la troisième puissance co-partageante. »>

» Cette phrase a teu des suites terribles pour le prince Louis de

malignité se portent sur Marie-Antoinette et sur celui qui était alors le ministre de la maison du

Rohan. Cette lettre, très-secrète, ne devait être communiquée qu'au roi seul, qui avait marqué la plus grande curiosité de connaître à fond le caractère et les vrais sentimens de Marie-Thérèse: Que fit M. d'Aiguillon? Par une indiscrétion impardonnable, il confia cette lettre à la comtesse Du Barry. Cette femme n'aimait point l'impératrice-reine, sans doute parce qu'elle était la mère de madame la dauphine qui, par un sentiment digne de son éducation, ne dissimulait pas son éloignement et son mépris pour la favorite. Dans un de ces soupers voluptueux, où Louis XV n'admettait que des favoris confidens de ses plaisirs, la comtesse Du Barry s'égayait avec peu de retenue et de décence sur ce qu'elle appelait la fausseté et l'hypocrisie de Marie-Thérèse; et pour étayer ce qu'elle avançait par une preuve convaincante: « Voici » une lettre du prince Louis de Rohan, dit-elle en la tirant de >> son portefeuille; écoutez comme il la peint. » Alors elle lit tout haut la phrase que je viens de rapporter. Aucun des convives n'hésita à croire le prince Louis en correspondance avec la maîtresse. C'était un vrai plat de courtisan à servir à madame la dauphine. Aussi un ennemi caché du prince ambassadeur s'empressat-il d'aller en instruire cette princesse. Il est plus aisé de concevoir que d'exprimer la profonde indignation de la princesse. « Quoi! » s'écria-t-elle, un prince, et un prince de l'Église en correspon>> dance avec une femme perdue de mœurs, pour représenter >> sous les traits les plus odieux ma mère qui le comble de ses >> bontés!... >>

>>> Cette anecdote, malheureusement trop vraie, ne doit plus laisser de doute sur l'invincible éloignement de Marie-Antoinette pour le prince de Rohan, et de sa persévérance à lui refuser les plus faibles témoignages de sa bienveillance : on ne doit plus être surpris qu'elle ait si facilement prêté l'oreille aux insinuations des ennemis personnels de ce malheureux prince, pour l'éloigner de la cour et le perdre dans l'esprit du roi. Sans cette inconcevable et très-répréhensible légèreté du duc d'Aiguillon, jamais le fameux procès du collier n'aurait eu lieu. » (Note des nouv.édit.)

roi (M. le baron de Breteuil), qui, dans l'excès de son zèle et de son dévouement pour la famille royale, oublia peut-être trop que l'illustre prisonnier qu'on lui remettait avait été autrefois son rival politique, et que cette seule circonstance, indépendamment des hautes dignités de l'accusé, et des ménagemens dûs à la situation délicate de Leurs Majestés, exigeait de sa part moins d'éclat et des formes moins sévères, dans l'exécution des ordres qui lui furent donnés. Ce ne fut qu'après beaucoup de temps, et par l'instruction d'un procès solennel, que l'on sut que M. le cardinal de Rohan, égaré par le désir d'acquérir les bonnes grâces de la reine, s'était prêté, avec une crédulité plus honteuse que criminelle, aux contes dont l'avait bercé une femme perdue. Toute l'Europe a retenti de ce tour de filouterie, unique dans les annales du monde, par lequel on fit acheter au cardinal un collier de diamans du plus grand prix, sous le prétexte que cette superbe parure était destinée pour la reine. On a su comment on avait mystifié ce prélat, en lui faisant remettre une rose et adresser quelques paroles de satisfaction sur la terrasse du jardin de Versailles, au déclin du jour, par une misérable créature qu'on avait prise dans les repaires de la prostitution, et que le cardinal eut la simplicité de croire être la reine de France. Il est inutile de répéter ici le nom, l'origine, les intrigues, les mœurs, le jugement, la punition, l'emprisonnement, la fuite à Londres et la mort

de cette femme de La Motte, qui profita de quelques bontés qui furent accordées à ses importunités, afin de se faire passer pour un personnage influent à la cour, et pour concevoir et exécuter ensuite le vol le plus audacicux qui ait jamais été imaginé (1). Tout le monde se rappelle encore avec quel art on introduisit dans cette affaire un de ces escrocs mystiques qui paraissent de temps à

(1) On lit dans la Correspondance secrète de la cour de Louis XVI, l'anecdote suivante :

<< Madame de Boulainvilliers rencontra, il y a quelque temps dans la campagne, une très-jeune fille d'une jolie figure, qui pleurait: elle est émue, fait approcher l'affligée et l'interroge. Madame, ma mère vient d'expirer dans cette chaumière, je perds l'objet unique de ma tendresse et mon seul appui, je suis abandonnée de tout le monde...Qui êtes-vous, ma belle enfant? Que faisait votre mère? — Nous vivions de notre travail, dans la plus profonde misère; mon nom est Chivry; ma mère m'a dit souvent que nous étions de qualité ; et l'injustice du sort!.......... ah! madame, mon père est mort, il y a deux mois, à l'Hôtel-Dieu, il a recommandé à ma mère une liasse de vieux papiers.... je vais les chercher.............. Madame de Boulainvilliers, intéressée au dernier point pour la jeune personne, laisse paraître une sensibilité qui n'a pas besoin d'éloges : il suffira de raconter le fait. Elle emmène mademoiselle de Chivry, et fait apporter ses titres, après avoir chargé quelqu'un des funérailles de sa mère. On a examiné les pàpiers, on les a discutés avec le plus grand soin; M. et madame de Boulainvilliers ont fait toutes les recherches propres à découvrir la vérité : M. d'Hozier vient de la mettre au jour. Mademoiselle de Chivry et un de ses parens qui sert dans la marine, sont les débris d'une famille jadis illustre qui descend en droite ligne de Henri de Saint-Remy, bâtard légitimé de Henri II, roi de France. La bienfaitrice de ces infortunés leur a déjà obtenu des grâces de la cour, et n'en restera certainement pas là. Faut-il que j'aie si rare

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