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Les chefs-d'œuvre de musique, dont le répertoire de l'Académie royale de Paris s'est enrichi pendant quinze années, assurent à ce théâtre une supériorité incontestable sur ceux de toutes les autres capitales. C'est une justice que tous les voyageurs et tous les gens de goût lui rendent. Il serait très-difficile, pour ne pas dire impossible, d'évaluer les sommes que cette prééminence dramatique a attirées à Paris et values à la France, par le concours d'étrangers opulens qu'elle a contribué à y appeler ou à y retenir. Or, il est un fait que personne ne peut s'empêcher de reconnaître : c'est qu'avant l'arrivée de Marie-Antoinette en France, ce pays ne connaissait qu'une musique à demi barbare. Cet art y était encore dans l'enfance, lorsque tous les autres y avaient passé l'époque de leur maturité. Marie-Antoinette vit l'opéra français, et résolut aussitôt de rectifier le goût national. C'est à elle c'est à son amour éclairé pour les arts, que la France doit la révolution qui s'opéra alors dans la musique. C'est elle qui fit venir de Vienne à Paris,

duc de Guiche, le second par M. de Crussol. Le petit nombre des spectateurs admis à cette représentation y a trouvé un accord, un ensemble qu'il est bien rare de voir dans les pièces jouées par des acteurs de société ; on a remarqué surtout que la reine avait répandu dans la scène du quatrième acte une grâce et une vérité qui n'auraient pu manquer de faire applaudir avec transport l'actrice la plus obscure. Nous tenons ces détails d'un juge sévère et délicat qu'aucune prévention de cour n'aveugla jamais sur rien. » Corr. de Grimm, septembre, 1785. Tome III, page 305.

(Note des nouv. édit.)

sible aux effets de l'harmonie, aux charmes de la mélodie; aussi long-temps que le goût du beau régnera en France, il sera aussi impossible d'ou

reine avait paru fort contente, M. le maréchal de Duras écrivit à l'auteur la lettre suivante :

<<< Le roi et la reine, ayant entendu avec la plus grande satisfaction, Monsieur, l'École des Pères, m'ont chargé l'un et l'autre de vous marquer le plaisir qu'ils ont eu. Ce qui les a frappés surtout, c'est le ton de décence et la morale pure qu'ils ont remarqués dans cet ouvrage. Je m'empresse de vous en informer, Monsieur, persuadé que vous éprouverez beaucoup de satisfaction d'avoir mé rité un éloge aussi flatteur. Je profite de cette occasion pour vous témoigner le plaisir que j'ai eu et vous assurer des sentimens avec lesquels, etc. Signé le maréchal de Duras. »

« J'ai chargé M. Desentelles de vous témoigner les 'intentions du roi, et je vous prierai de lui demander ce qui vous conviendra le mieux. >>

Il fut décidé que M. Peyre, auteur de cette comédie, recevrait une belle épée damasquinée aux armes de Sa Majesté. « De semblables encouragemens, remarque Grimm en citant cette lettre, honorent tout à la fois le talent qui les obtient et l'auguste protection qui sait si bien le distinguer. Ce sont les bonnes mœurs qui ont fait le succès de l'École des Pères, et la récompense que Sa Majesté vient d'accorder à l'auteur est une sorte d'hommage rendu à l'honnêteté publique, qui paraît être en même temps la censure la plus forte et la plus juste de tous les Figaros du jour. »

Il paraît par cette dernière phrase que le gouvernement sentait dès lors et voulait réparer le tort qu'il avait eu de permettre qu'on -représentât le Mariage de Figaro. Comme cette représentation, qui était une faute, eut, par son influence sur l'opinion, presque les résultats et l'importance d'un événement, nous pensons que nos lecteurs ne verront pas sans plaisir les détails relatifs à cet ouvrage aussi célèbre qu'immoral. Ces détails, extraits des Mémoires du temps, en peignent mieux l'esprit et le caractère, que ne le pourrait faire l'histoire elle-même. Voyez la note (J) dans les éclair(Note des nouv. édit.)

cissemens.

blier les quinze années du règne de Marie-Antoinette, qu'il l'est aujourd'hui d'oublier le beau siècle de Louis XIV; et peut-être les favoris d'Euterpe diront-ils un jour le Siècle de Marie-Antoinette lorsqu'ils parleront de l'époque à laquelle parvint à sa plus grande gloire,

Ce spectacle magique

Où les beaux vers,

la danse et la musique,

De cent plaisirs font un plaisir unique.

Hélas! le grand maître qui avait dirigé le goût de Marie-Antoinette, le sensible Gluck était loin de penser, lorsqu'il faisait soupirer les plus doux accens de l'amitié à Oreste et Pylade, dans son immortel opéra d'Iphigénie en Tauride, lorsqu'il les faisait entendre pour la première fois chez madame la comtesse de Polignac, avant de les produire en public, il était loin de penser, dis-je, que les mêmes accens pourraient un jour s'appliquer à la situation de son auguste élève et de son intéressante amie. Le cœur rempli sans cesse du souvenir de Marie-Antoinette, je n'ai jamais pu entendre sans être baigné de mes pleurs, le mélodieux et sublime refrain de Gluck :

Le sort nous fait périr ensemble;
N'en accuse point la rigueur ;
La mort même est une faveur,

Puisque le tombeau nous rassemble....

La faveur dont jouissait madame de Polignac auprès de la reine, excita la jalousie de plusieurs familles nobles qui avaient l'ambition de fixer sur

elles l'attachement et les bontés de leur souveraine. Mais les rivales de madame de Polignac ne possédaient pas, comme elle, la grâce qui attire, la décence qui attache, et la raison qui conserve les amis. véritables. Madame de Polignac possédait un jugement sain, un esprit pénétrant, beaucoup de raison, un grand calme, et surtout beaucoup de réserve. Ses propos et sa conduite étaient épiés de tous côtés; cependant elle ne donna jamais prise aux traits de l'envie ni à ceux de l'intrigue; comme l'ambition n'entrait pour rien dans la faveur où elle était parvenue, il lui fut aisé de s'y soutenir.

On voulut une fois l'effrayer sur la constance de l'attachement que la reine lui témoignait, et des gens officieux vinrent l'avertir que Marie-Antoinette avait accueilli favorablement et distingué quelques personnes de son cercle. Elle répondit avec calme et douceur : « J'estime trop la reine pour la soup>> çonner de vouloir s'éloigner d'une amie dont elle » a fait choix, et dont la tendresse et le dévoue>>ment lui sont connus. Je ne crains point qu'on » m'enlève son cœur ; mais, si la reine cessait de » m'aimer, je pleurerais la perte de mon amie, et » n'emploîrais aucun moyen pour conserver les >> bontés particulières de celle qui ne serait plus » que ma souveraine. >>

>>

La comtesse de Polignac avait une fille de onze ans ; la reine, avec sa grâce ordinaire, lui dit : «Dans peu, peu, sans doute, vous penserez à marier

» votre fille; lorsque votre choix sera fait, songez

» que le roi et moi nous nous chargerons du pré» sent de noces. » Parmi ceux qui se présentèrent, le comte de Grammont fut choisi. Il n'existait pas de plus beau nom à la cour. En faveur de son mariage avec mademoiselle de Polignac, le roi lui permit de prendre le titre de duc de Guiche, et le fit capitaine de ses gardes. La manière dont M. le duc de Guiche se conduisit au 5 octobre, les preuves continuelles de fidélité et d'attachement qu'il a données et donne encore, depuis vingt ans, à la famille royale de France, déposent assez combien il était digne des bontés de ses maîtres, et combien il en a été reconnaissant. Le dévouement sublime des deux fils aînés de madame la duchesse de Polignac, à la fleur de leur âge et dans les circonstances les plus critiqu de la révolution, montre aussi à quel degré l'ascendant tout-puissant de Marie-Antoinette exaltait la gratitude des familles qu'elle honorait de ses affections. Onze ans s'étaient écoulés depuis sa mort. Les jeunes fils de madame de Polignac, émigrés depuis 1789, avaient à peine entrevu cette reine qui les avait adoptés. Ils ne pouvaient plus. rien pour elle, mais ils pouvaient répandre leur sang pour le sang de Marie-Antoinette : il lui restait des héritiers, une fille appelée à la représenter un jour sur le trône de France. Ils avaient hérité de l'attachement de leur mère à leurs augustes parens. Toute l'Europe a su le résultat déplorable de l'enthousiasme chevaleresque qui appela les comtes Armand et Jules de Polignac en France, en France, au mois

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