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trêmement attachée à cette princesse, qui remplis sait ses fonctions avec la fidélité et le zèle qu'exigeait leur importance. Madame de Guémenée fut d'autant plus à plaindre que le coup qui l'accablait avait été amené par des circonstances qui lui étaient étrangères et inconnues, et qu'elle n'avait pu ni prévoir ni prévenir le désordre que des opé

rations frauduleuses et usurières avaient introduit tout d'un coup dans les affaires de son époux. Elle se sépara de la reine et des augustes enfans qui étaient l'objet de ses soins, comblée des témoignages de bonté et des assurances de l'attachement de Leurs Majestés. Quoique cette séparation permit à la reine de donner à une jeune dame de la cour une grande preuve de l'affection qu'elle lui portait

en général les fortunes particulières étaient conduites sur le même plan que la fortune publique, ou plutôt avec la même absence de plan. La banqueroute du prince de Rohan-Guémenée produisit un éclat odieux; sa fortune et les dons qu'il tenait de la cour étaient immenses. Ce coupable dissipateur avait entraîné dans sa ruine une foule de bourgeois médiocrement aisés et d'obscurs artisans le peuple en garda un long souvenir. »

:

On sait qu'au sujet de cette banqueroute, le poëte Le Brun écrivit, avec l'audace et l'âcreté de son humeur satirique, l'épigramme suivante :

D'un petit gentillâtre ou d'un banquier très-mince

La faillite serait d'un million ou deux :

Mais de trente-six! aucun d'eux

Ne l'oserait; c'est faillite de prince.

La note suivante de Weber fait connaître du moins de quelle

manière on répare noblement de pareilles fautes.

(Note des nouv. édit.)

depuis quelque temps, Sa Majesté n'en fut pas moins vivement affectée du malheur de madame de Guémenée, et de celui de l'illustre famille à laquelle elle appartenait (1).

Je dois dire ici quelques mots de cette amitié si rare, si précieuse, si intime qui subsista entre MarieAntoinette et madame la duchesse de Polignac; de cette amitié qui n'a pu laisser survivre une amie à la mort de l'autre ; de cette affection dont la pureté, la vivacité et la fin tragique surpassent tous les exemples et même tous les prodiges que l'antiquité a offerts dans ce genre.

O divine amitié, félicité parfaite,

Seul sentiment de l'ame où l'excès soit permis,

la reine connaissait bien vos devoirs! elle sut

(1) Les dettes de M. le prince de Guémenée, réduites à leur juste taux, étaient fort au-dessous de la valeur de ses immenses propriétés et de celles dont il était appelé à hériter. Mais, s'il fut la victime de ses agens, ses créanciers éprouvèrent l'avantage d'avoir affaire à des familles où l'honneur était implanté. Madame la comtesse de Marsan, née Rohan, ancienne gouvernante de Louis XVI et des deux autres princes, prouva en cette occasion qu'elle était digne et du nom qu'elle avait porté en naissant, et de l'auguste maison de Lorraine à laquelle elle s'était alliée. Elle fit sur-le-champ l'abandon d'une grande partie de son immense fortune aux créanciers les plus malheureux de son neveu, et se retira dans un couvent.

M. le prince de Guémenée est mort en 1802, exerçant une profession mécanique dans un village de Suisse, ne voulant plus être à charge à sa famille. Toutes les gazettes ont rendu compte de la manière brillante dont ses deux fils ont servi, pendant la guerre dernière, dans les armées autrichiennes.

W.

remplir tous ceux que ce titre lui imposait. Et qui pourra à l'avenir, rampant dans la fange des écrivains orduriers du temps, calomnier une affection aussi pure, aussi céleste, j'ai presque dit aussi sainte, devant le tombeau où les deux victimes de leur amitié furent précipitées en même temps.

Madame Gabrielle-Yolande-Martine de Polastron, épouse du comte Jules de Polignac, appartenait par son mari à l'ancienne et noble famille de Polignac de la province d'Auvergne, qui avait donné le jour à ce cardinal illustre qui fut l'auteur du poëme immortel de l'Anti-Lucrèce, pour lequel il semble avoir emprunté la plume du cygne de Mantoue, et dont les négociations habiles fournissent à ceux qui entrent dans la carrière diplomatique des modèles aussi parfaits que ceux que la pureté de sa poésie et de ses principes offre aux littérateurs et aux philosophes.

M. et madame de Polignac avaient été présentés à la cour, suivant l'usage, quelque temps après leur union. La comtesse de Polignac y avait été distinguée d'une manière particulière. Chez elle, la plus belle ame se peignait sur la plus belle physionomie. L'élégance de M. de Polignac n'était pas moins remarquable. La conversation à la fois décente, enjouée et agréable de madame de Polignac plut extrêmement à Marie-Antoinette; elle dansait avec grâce, elle chantait avec goût, son esprit était extrêmement orné avec tant de qualités, il était impossible qu'elle ne gagnât pas le cœur de la

reine; aussi fut-elle bientôt admise au cercle de Sa Majesté, et aux fêtes et concerts qu'elle donnait à Versailles et à Trianon. Ces fêtes qu'un prêtre déhonté (1) a osé récemment représenter comme les orgies scandaleuses auxquelles il a peut-être participé dans sa carrière révolutionnaire, ces fêtes auxquelles mon auguste protectrice me permit d'assister toutes les fois que je le désirerais, présentaient des réunions enchanteresses de ce que la cour avait de plus charmantes femmes, et d'hommes les plus aimables. Les artistes les plus distingués y étaient appelés, lorsque l'on y faisait de la musique; et, au milieu de ces réunions, Marie - Antoinette, surpassant en éclat les femmes les plus brillantes, et en talent les amateurs les plus renommés, paraissait moins la reine de France que la reine de la beauté, la souveraine des arts (2).

(1) L'abbé Soulavie.

W.

(2) La reine aimait tous les arts et les cultivait avec succès. Il n'est pas étonnant que jeune, belle, remplie de talens et de grâces, elle ait cédé au désir de s'entendre applaudir sur la scène. Le goût des représentations de société, goût généralement répandu alors, passa des hôtels de Paris et des châteaux de la province à la cour de Versailles. L'étiquette en murmura peut-être ; mais puisque Louis XIV n'avait pas dédaigné de figurer dans un ballet, l'épouse de son petit-fils ayant pour excuse sa jeunesse, son sexe et ses charmes, pouvait, sans encourir le blâme, accepter des rôles où brillaient la finesse de son jeu et les agrémens de sa voix. Grimm, dans sa Correspondance, nous a conservé le récit de deux représentations auxquelles la reine avait pris part. Nous n'oserions toutefois garantir l'exactitude de ce récit.

« Les spectacles donnés ces jours passés, dans la jolie salle de Trianon, intéressent trop l'honneur du théâtre et la gloire de

Qu'il me soit permis de m'écarter un moment de mon récit, pour me livrer à une digression qui trouve ici naturellement sa place, puisque MarieAntoinette en est le sujet.

La France se glorifie aujourd'hui, et avec raison, de posséder le premier théâtre lyrique de l'Europe.

M. Sédaine, pour ne pas nous permettre d'en conserver le souvenir dans nos fastes littéraires. On n'a jamais vu, on ne verra sans doute jamais le Roi et le Fermier ni la Gageure imprévue, joués par de plus augustes acteurs, ni devant un auditoire plus imposant et mieux choisi. La reine, à qui aucune grâce n'est étrangère, et qui sait les adopter toutes sans perdre jamais celle qui lui est propre, jouait dans la première pièce le rôle de Jenny, dans la seconde celui de la soubrette. Tous les autres rôles étaient remplis par des personnes de la société intime de Leurs Majestés et la famille royale. M. le comte d'Artois a joué le rôle du valet dans la première pièce, et celui d'un garde-chasse dans la seconde.

» C'est Caillot et Richer qui ont eu l'honneur de former cette illustre troupe. M. le comte de Vaudreuil, le meilleur acteur de société qu'il y ait peut-être à Paris, faisait le rôle de Richard; madame la duchesse de Guiche, dont Horace aurait bien pu dire: matre pulchrá filia pulchrior, celui de la petite Betzy; madame la comtesse Diane de Polignac celui de la mère, et le comte d'Adhémar celui du roi. Les mêmes acteurs ont joué depuis sur le même théâtre, sans y avoir admis beaucoup plus de spectateurs, On ne s'avise jamais de tout et les Fausses infidélités de M. Barthe. »

Barthe et Sédaine ne furent pas les seuls auteurs favorisés. Beaumarchais obtint aussi l'honneur d'être joué à la cour, s'il faut encore en croire ce que rapporte Grimm.

« Le Barbier de Séville, dit-il, a été représenté sur le petit théâtre de Trianon, dans la société intime de la reine, et l'on a daigné accorder à l'auteur les faveurs très - distinguées d'assister à cette représentation. C'était la reine elle-même qui jouait le rôle de Rosine, M. le comte d'Artois celui de Figaro, M. de Vaudreuil celui du comte Almaviva; les rôles de Bartholo et de Basile ont été rendus, le premier par M, le

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