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n'en fut que plus affaiblie par le ridicule de tous ces contre-ordres, et l'amalgame de deux commandans dont l'un avait le caractère personnel et l'autre le caractère officiel. Une maladie grave vint assaillir le maréchal; et quelque jugement qu'on porte sur ceux qui avaient alors le pouvoir réel en Dauphiné, c'est une justice de dire que la tranquillité publique n'y fut maintenue que par le patriotisme. Cependant le Languedoc, le Roussillon se mettaient en mouvement. L'assemblée de Vizille produisait celle de Toulouse. La Flandre et le Hainault demandaient avec plus de flegme, mais enfin demandaient aussi leurs états particuliers. On voyait arriver de Béarn trois courriers en un jour. L'imagination ne savait plus où arrêter ses craintes. Le crédit déclinait; les alarmes sur la fortune publique et individuelle croissaient d'heure en heure. Le garde-des-sceaux poursuivait toujours, et toujours avec quelque succès, l'établissement de ce qui lui appartenait dans le nouveau système. Il mettait ses tribunaux en activité, même dans plusieurs villes du Dauphiné jalouses de l'ascendant que voulait exercer la capitale. Mais le premier ministre se consumait en vains efforts, en stériles négociation ouvrir sa Cour plénière. Enfin se voyant tout près des dernières extrémités, ne pouvant plus se passer d'un moyen de confiance, et d'un moyen d'ordre, réduit à l'alternative ou de rappeler les parlemens qui pouvaient lui faire son procès, ou d'appeler les états-généraux qui pouvaient lui savoir

gré de leur existence, il se détermina pour le dernier parti.

Le 8 août 1788 parut un arrêt du Conseil qui prononça la convocation des états-généraux, fixa leur ouverture au 1er mai 1789., et suspendit jusque là l'établissement de la Cour plénière...

A partir de ce jour, il n'y avait plus de cause humaine qui pût empêcher l'assemblée des étatsgénéraux, si ce n'est peut-être une guerre extérieure, et le roi à la tête de son armée.

CHAPITRE III,

Suite de la convocation des états-généraux. — Chute de M. l'archevêque de Sens. Rappel de M. Necker. - Seconde assemblée des notables. Ouverture des états-généraux. Situation de Marie-Antoinette à cette époque et pendant les cinq années qui la précédèrent.

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Ce fut au milieu de cette fermentation générale des esprits; ce fut après des coups d'autorité qui n'avaient servi qu'à montrer la violerice suivie de la faiblesse ; lorsque les plus grands corps de l'État étaient demeurés vainqueurs des assauts qui leur avaient été livrés par le ministère, et lorsqu'ils étaient encore dans l'ivresse du succès; ce fut, je, dans de pareilles conjonctures que l'archevêde Sens promit solennellement la convocation des états-généraux. Un homme de la cour lui demanda s'il n'était pas effrayé à l'idée de tenir ces États? Sully les a bien tenus, lui répondit ce prélat. Se dire ainsi, après un an de ministère où il avait échoué à chaque pas, l'égal du plus grand ministre peut-être qu'aient eu les rois de France! confondre ainsi l'assemblée des notables de 1596, avec une assemblée d'états-généraux en 1789! un tel excès de présomption est à peine croyable.

Mais l'archevêque Loménie n'était pas même destiné à tenir ces états qu'il venait de convoquer

avec tant de solennité. Dans les temps les plus tranquilles, l'annonce d'un changement politique dont l'issue est incertaine, porte toujours atteinte au crédit. Après une année d'embarras dans l'administration, au milieu d'une lutte dans laquelle l'autorité avait essuyé tant de défaites, la convocation des états-généraux devenait inquiétante pour la fortune de ceux mêmes qui l'avaient provoquée, sous le prétexte d'établir sur des bases fixes les droits duroi, ceux des grands et ceux de la nation, c'est-àdire, avec le désir d'en voir sortir ce qu'ils disaient manquer à la France, une constitution écrite. La circulation du numéraire s'arrêta tout d'un coup. Il devint impossible de renouveler les anticipations que le Trésor royal faisait chaque année sur les revenus des années suivantes; il fallait acquitter les anticipations qu'on avait faites l'année précédente sur l'année courante, et dont l'excès avait outre-passé toutes les bornes de la prudence. Il fallait pourvoir nonseulement aux services ordinaires, mais encore à des achats dispendieux de subsistances, pour parer à la disette qui se faisait déjà sentir; car, si je puis me permettre ici cette expression, la France n'était pas moins menacée de la faim qu'elle n'était tourmentée de la soif de l'indépendance et des nouveautés. Le premier ministre vit à une trèscourte distance le jour où le Trésor royal allait se trouver entièrement à sec.

Il imagina d'acquitter en billets portant intérêts une partie de tous les paiemens pendant le reste

de l'année, et jusqu'au dernier jour de l'année suivante dans laquelle devaient se tenir les états-généraux. L'arrêt du Conseil qui annonçait cette nouvelle mesure de finances, fut publié dans Paris le 16 août. J'entendis les hommes chargés de crier et de colporter dans les rues les actes de l'administration, annonçant celui-ci d'un ton de voix étouffé, et osant à peine prononcer jusqu'au bout l'intitulé qu'avait imaginé pour cet édit un homme de beaucoup d'esprit. M. de Loménie avait consulté M. de Rivarol sur le titre mitigé qu'il était nécessaire de placer en tête de cet arrêt, afin de ne pas effaroucher le public. Ce littérateur ingénieux lui conseilla de l'appeler : Arrêt du conseil d'État concernant les paiemens; et cette tournure énigmatique valut à l'auteur une place dans les bureaux du premier ministre, et l'assurance d'une pension. Je n'oublierai jamais la sensation que j'éprouvai en entendant crier cet arrêt à Paris et à Versailles. Aujourd'hui que je repasse dans mon esprit avec un peu plus de calme tant de scènes d'atrocités, la voix sourde de ces crieurs publics que je crois encore entendre, ce prélude. de tant de grandes catastrophes, me retrace ces bruits souterrains, et ces mugissemens d'animaux, qui sont, dans le nouveau continent, l'annonce infaillible d'une convulsion de la nature.

Une alarme universelle se manifesta alors de manière à faire craindre une insurrection dans Paris. Le premier ministre épouvanté implora la protec

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