Imatges de pàgina
PDF
EPUB

avait accumulé une invitation faite aux peuples de manifester leur væu sur la proportion à établir dans la composition des trois ordres; une injonction adressée aux municipalités, aux assemblées provinciales, aux juridictions, pour qu'elles eussent à transmettre au garde-des-sceaux le fruit de leurs recherches, et le résultat de leurs calculs; enfin une exhortation inconcevable, par laquelle tous les savans, toutes les personnes instruites du roy aume étaient sollicités d'envoyer leurs renseignemens et mémoires sur ce qui devait être observé pour rendre l'assemblée des états-généraux aussi nationale qu'elle devait l'étre.

Il eût été difficile d'imaginer une espèce de mal dont une pareille mesure ne dût pas devenir le principe. On se méfia de la promesse vague; on se prévalut de l'invitation positive. On résolut de forcer non-seulement une convocation immédiate, mais un nouveau mode des états-généraux. Chacun se crut appelé à rendre nationale à sa manière l'assemblée de ces états, à régler, comme il l'entendrait, la proportion et la composition des ordres. L'enthousiasme d'un homme de bien concourut avec la frénésie d'un séditieux. La fausse érudition devint aussi funeste que la présomptueuse ignorance. Quand il eût fallu calmer et contenir, toutes les passions furent irritées, et un champ sans bornes s'ouvrit pour une liberté sans frein.

La commission intermédiaire des états de Bretagne avait déjà envoyé au roi, par ses députés,

la longue nomen

un mémoire hardi, terminé par clature de tous les gentilshommes bretons qui étaient venus à l'envi signer cette protestation. Le roi avait rendu lui-même le mémoire aux députés en leur disant « qu'il n'avait pas voulu lire cette >> liste de noms, pour n'avoir pas à punir ceux qui » les portaient, et en promettant cependant le » maintien des priviléges de la province pour prix » de l'obéissance qu'il exigeait. » Une nouvelle députation était parvenue à Versailles avec un nouveau mémoire plus fort que celui qui avait été rejeté. Elle sollicitait en vain d'être admise devant le roi. Elle observait inutilement qu'en apportant au prince des voeux et des instructions pour les états-généraux, elle ne faisait qu'obéir à l'arrêt du Conseil qui venait d'être publié. Ennuyés de ces délais et aigris par ce dédain, les députés allèrent de porte en porte dans toutes les maisons de Versailles et de Paris qui tenaient à la Bretagne par quelque lien, si faible qu'il fût. Là, ils faisaient des prosélytes et recueillaient des signatures. Le comte de Boisgelin, qui était alors président de la noblesse, crut leur devoir son appui, quoique le duc de Rohan, qui l'avait été avant lui, leur refusât le sien. Le marquis de La Fayette, qui possédait une terre en Bretagne, eût été fâché de laisser passer cette occasion de soulever une province. Il voyait déjà la Pensilvanie dans la Bretagne, et son propre rôle dans le rôle de Washington. Non-seulement il signa le mémoire, mais

[ocr errors]

il le perfectionna. Il eut chez lui des comités bretons. Le gouvernement s'indigna. Son premier mouvement fut de sévir, et il ne se demanda pas s'il avait la volonté ou le pouvoir de soutenir ses rigueurs. Les douze députés furent enlevés la nuit et conduits à la Bastille. On punit le comte de Boisgelin en lui ôtant sa place de maître de la garde-robe, en lui retirant des lettres de service dans une armée qu'il aimait bien mieux réformer que commander; et, chose incroyable, pour se venger de la signature du duc de Praslin on raya sa femme de l'état des dames du palais ! Toute la noblesse bretonne courut à Rennes, la rage dans le cœur et la menace à la bouche. Quatre régimens étaient logés dans la ville, un camp était établi sous ses murs, et l'intendant de la province ne dut son salut qu'à sa fuite. Il alla rendre compte à Versailles de l'excès de la fermentation, et annoncer que dix-huit députés nouveaux arrivaient sur ses pas. On envoya sur la route au-devant d'eux, pour leur signifier la défense de mettre le pied soit à Versailles soit à Paris. Plusieurs s'étaient déjà rendus dans ces deux villes. Tous se réunirent à SaintDenis. Ils y étaient depuis dix jours, et on se proposait de les y laisser plus long-temps; mais on apprit tout-à-coup que le parlement de Bretagne, dispersé à Vannes par le comte de Murinais, s'était réuni à quelques lieues de la ville dans un château, et que, de concert avec les principaux membres de la noblesse appelés à la séance, il avait arrêté une

quatrième députation à laquelle chaque évêque devait fournir six membres. La Bretagne avait alors neuf siéges épiscopaux ; c'étaient cinquante-quatre députés qui menaçaient Versailles. On se hâta d'appeler les dix-huit de Saint-Denis. Le 30 juillet, on les présenta au roi. Le 31, le roi leur annonça que c'était par le vœu de leurs états qu'il devait connaître le vœu de leur province; que ces états seraient convoqués au mois d'octobre; que leurs représentations seraient reçues et leurs priviléges conservés. Cette promesse ne pouvait manquer de produire un calme momentané. Les dix-huit contremandèrent les cinquante-quatre. La liberté des douze prisonniers ne parut plus incertaine. Les gentilshommes rassemblés à Rennes triomphaient de la convocation prochaine de leurs états: mais le gouvernement travailla sur-le-champ à faire de l'objet de leur triomphe l'instrument de leur punition. Il employa dès lors toute son influence à susciter les prétentions du tiers contre l'ordre de la noblesse et le maréchal de Stainville envoyé pour commander dans la province, et les principaux dépositaires de l'autorité du gouvernement, eurent l'ordre de diriger les esprits vers ce mouvement, et de former une alliance défensive entre le peuple et la couronne, contre ce qu'on appelait l'insurrection des nobles.

On voulut, mais en vain, suivre le même système avec le Dauphiné qui, passé la première scène dont nous avons rendu compte, fut plus méthodi

que dans sa marche, plus grave dans sa résistance, plus uni dans ses efforts, et réduisit l'autorité à toujours lui céder, en ne paraissant jamais que supplier et l'éclairer.

la

Cette scène scandaleuse d'insubordination et de brigandage qui avait affligé Grenoble, était désavouée formellement par les conducteurs actuels de la révolution dauphinoise. Ils la rejetaient avec une forte improbation sur les ministres subalternes de la judicature: ils y trouvaient seulement un motif de plus pour désirer qu'une constitution solidement établie et sagement balancée fît tout rentrer dans l'ordre, et prévint à l'avenir ces combats fanestes entre le souverain et ses officiers, entre le gouvernement et le peuple. L'assemblée de la noblesse, qui le 11 mai avait envoyé trois députés à la cour, s'était séparée immédiatement après cette opération, laissant intérim à six de ses membres des pleins-pouvoirs et le droit de la convoquer toutes les fois qu'ils le jugeraient nécessaire. Les députés, bien accueillis à Versailles, avaient cherché aussitôt à tempérer par leur correspondance les esprits de leurs compatriotes. Les magistrats du parlement, et il est juste de l'observer, avaient profité du premier jour de calme pour obéir au roi et se rendre dans leur exil. Quelques jours après leur départ, sur l'invitation de six délégués de la noblesse, le haut clergé, les gentilshommes habitant Grenoble ou les environs, la municipalité de cette capitale, et plusieurs autres mem

par

« AnteriorContinua »