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puyer les vœux du peuple auprès du gouvernement. L'ordre est donné d'enfoncer les portes à coups hache. Pendant qu'on y travaillait, des habitans des faubourgs, des milliers de montaguards appelés du haut de leurs habitations par le tocsin, viennent, armés de toutes pièces, assiéger par les derrieres la maison du commandant située sur le rempart. Après leurs décharges de mousqueterie, à laquelle on répond à peine, ils escaladent le parapet, s'emparent du jardin; la maison est forcée de tous les côtés. Le vin ruissèle dans les caves; les meubles volent par les fenêtres ; le commandant est enveloppé, saisi au collet; la hache est levée sir sa tête; détournée par un officier, elle se relève c. reste suspendue, jusqu'à ce que le duc ait signé la capitulation qu'on lui dicte. Il s'engage alors à regarder les lettres-de-cachet comme non avenues, à ordonner au parlement de rester, au concierge du Palais d'en remettre les clefs, et aux troupes de rentrer dans leurs casernes: on ne conçoit pas trop pourquoi elles en étaient sorties.

Quelques compagnies de Royale-Marine avaient cependant résisté dans l'intérieur de la ville: une entre autres, voyant une grêle de pierres pleuvoir' sur un officier, l'avait environné. Lapidés euxmêmes, les soldats s'étaient retranchés dans une maison où ils avaient soutenu un siége et tué deux hommes parmi les assailians. Ailleurs, quelques patrouilles avaient arrêté des séditieux. Lest vainqueurs vinrent les délivrer dans leur marche

triomphale. Tous se portèrent au Palais, forcèrent les portes de la grand'chambre, souillèrent les bancs de la justice par des scènes d'ivresse et de prostitution, puis allèrent chercher tous les magistrats pour les forcer de siéger, ayant à leur tête le premier président couronné de roses.

Le lendemain, le parlement dressa un procès-verbal pour constater que la force l'avait empêché d'obéir aux ordres du roi. La municipalité fit des remercîmens au régiment d'Austrasie pour avoir ménagé le peuple jusqu'à lui livrer la vie de son commandant, et demanda le départ du régiment Royal - Marine qui avait tué deux séditieux, en se sentant lapidé par mille.

Le lecteur remarquera sans doute ici avec douleur l'effrayant progrès de la désorganisation. Ce n'est plus seulement une assemblée, de gentilshommes, un corps de magistrats en état de résistance; c'est une portion de l'armée en état de dissolution, par conséquent tout près de la révolte.. Là on avait rempli de cendre les canons des fusils. Ailleurs les officiers laissaient entrer dans les rangs des femmes perdues qui, par une débauche effrontée, enchaînaient l'activité des soldats. A un détachement qui fit feu, l'ordre en fut donné par un bas-officier, l'officier supérieur s'y refusant. Le soldat s'entendit prononcer ces paroles qui l'étonnaient alors, mais avec lesquelles depuis il s'est familiarisé: « Tirerez-vous donc sur vos frères? » De ce moment il était douteux si envoyer des

troupes dans une ville en fermentation, ce n'était pas plutôt exposer la fidélité du soldat, que forcer la soumission des sujets.

Pendant la suite d'événemens que nous venons de parcourir, l'assemblée du clergé avait lu, relu, modifié et présenté ses remontrances. On avait dû s'attendre qu'une pièce de ce genre serait écrite dans un style plus mesuré que ce qui avait paru jusque-là, et l'attente ne fut pas trompée à cet égard. Mais lorsqu'en rendant justice à la modération respectueuse des formes, on pèse aujourd'hui le fond même de ces remontrances, on ne peut se défendre d'une grande surprise. Le clergé n'avait jamais été un ordre politique, isolément des deux autres ordres du royaume. Quand les trois étaient rassemblés en états - généraux, il était le premier, et il n'y avait point de question civile qui ne fût alors de sa compétence; mais hors des étatsgénéraux le clergé n'avait jamais été assemblé que sur des objets ou de religion, ou d'administration ecclésiastique, ou de dons gratuits pour les besoins de l'État. Ici, convoqué extraordinairement sur l'objet précis d'un secours extraordinaire que le roi et l'État lui demandent, le clergé met de côté la question sur laquelle il est appelé à délibé rer, et se fait le protecteur de la nation, le censeur du gouvernement et le moniteur du prince. Il s'établit le juge entre le roi offensé et ses Cours en disgrâce. Il critique les lois du souverain avec une amertume qui perce à travers la douceur af

fectée du langage. Il fournit des argumens à la résistance. Il compromet le Trésor public déjà en souffrance, en dénonçant les contributions comme arbitraires devant le contribuable. Il loue les parlemens d'avoir abdiqué l'enregistrement de l'impôt, le jour où la tranquillité publique et l'existence même de l'Etat les sollicitaient d'en rester encore saisis pendant quelques instans. Comme les déclamateurs les plus exagérés, le clergé ne trouve dans l'antique monarchie française que quelques hommes et quelques années éparses à citer. Non-seulement il réclame la convocation des états-généraux, mais, avec autant d'imprudence que les parlemens, il presse le roi de faire cette convocation sur-le-champ; et il croit que les états-généraux du dix-huitième siècle, assemblés au milieu de cette conflagration universelle, se borneront au consentement libre des subsides, aux remontrances, plaintes et doléances sur les autres objets! Enfin, mais ceci est un objet de douleur et non de reproche, le clergé a le malheur de proclamer pour la première fois ce titre nouveau de roi des Français, expression de sensibilité dans la bouche des pontifes, qui allait devenir un signal de dégradation dans celle des factieux.

Ce clergé, qui devait déployer dans le cour de la révolution tant d'héroïsme et tant de vertu, eut donc, à cette époque, le malheur de la provoquer par une grande faute. Il y fut entraîné par un concert d'acclamations qui lui parut être le cri public. Il

avoua, en commençant sa remontrance, qu'il obeissait à ce cri. Sa sagesse ne le mit pas même à l'abri de cet amour dangereux de la popularité. Imitateur de ces parlemens qui s'étaient faits si souvent ses adversaires, il publia, comme eux, ses remontrances, et il s'ôta l'excuse qu'il aurait eue, s'il les avait renfermées dans le secret de ses communications avec le roi à qui elles étaient adressées, et de qui seul elles devaient être connues. Qu'au moins tous les infortunés se pardonnent done entre eux, si grave qu'ait été l'erreur, pourvu qu'elle se soit arrêtée avant le crime: quel est l'individu à qui l'on reprochera d'avoir été emporté par de si violentes circonstances, quand un corps un corps aussi respectable par son caractère, aussi sage par habitude, entouré d'autant d'avertissemens que l'était le clergé de France, a pu se laisser entraîner quelques instans loin de la route qu'il avait si constamment suivie, et où il devait si glorieuse

ment entrer.

le

Cependant le premier ministre, tandis que clergé était encore en séance, rendit ce fameux arrêt du Conseil du 5 juillet 1788, un des actes les plus insensés et les plus funestes qui soient jamais sortis de l'administration d'aucun gouvernement. Par cet arrêt, l'archevêque de Sens annonçait la prochaine convocation des états-généraux, mais sans fixer la date, ce qui donnait encore lieu de révoquer en doute sa sincérité. Parmi des clauses plus précises, et celle-là ne l'était que trop, il

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