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second ordre, furent nommés pour assister, dans la rédaction de ces remontrances, le prélat qui les avait proposées.

Le premier ministre fut ulcéré. L'opposition gagna partout une force immense. La commission intermédiaire des états de Bretagne, voyant le clergé sanctifier ainsi la résistance, imagina d'écrire à tous les évêques de la province pour leur demander d'ordonner des prières publiques comme dans les temps de calamités. On eut de la peine à étouffer cette réquisition incendiaire. De nouvelles troupes furent encore envoyées en Bretagne ; mais déjà plusieurs des officiers qui les commandaient, agitaient entre eux jusqu'où devait s'étendre l'obéissance militaire dans des discordes civiles. C'est sans doute à la connaissance qu'avait le comte de Thiars de cette disposition des esprits, qu'il faut attribuer son hésitation et son excessive retenue dans l'emploi de la force-armée. C'était une circonstance bizarre qu'entre le commandant militaire et l'intendant civil de la province, le magistrat fût toujours pour les partis violens, et le général pour les ordres modérés, pour le déploiement ostensible de mesures qui en imposassent par leur appareil, sans aigrir par leur sévérité, et surtout sans mettre en péril l'obéissance de l'armée, c'est-à-dire la fidélité des peuples. Peut-être, en lisant aujourd'hui les intéressans Mémoires publiés par l'intendant (1), désirerait - on qu'il eût

(1) Bertrand de Molleville.

par

censuré avec moins d'amertume le chef infortuné dont il avait été le second à cette malheureuse époque. Peut-être celui-ci calculait-il trop une espèce de danger, que l'autre ne comptait pas assez : car il est bien sûr que la révolution a été faite par la désorganisation de l'armée encore plus que par l'insurrection du peuple. Quoi qu'il en soit, le lement de Rennes, profitant de cette division entre les deux ministres principaux de l'autorité supérieure, tint une séance chez un de ses présidens, malgré la défense répétée qui lui en avait été faite. Le comte de Thiars voulut rompre l'assemblée. On suscita aussitôt un attroupement populaire pour défendre l'entrée de la maison où le parlement délibérait. Un détachement de dragons fut envoyé pour dissiper l'attroupement; la noblesse se précipita entre la cavalerie et le peuple. L'entrée de la maison fut refusée à l'officier qui s'y présentait avec un ordre du roi. La porte porte s'ouvrit pour le procureur-général qui, s'adressant aux dragons et aux soldats, les appela les vils satellites du despotisme, et les menaça de les livrer à la fureur du peuple. L'intendant voulait qu'on forçât la porte et qu'on abattît la maison. Le commandant reçut une députation du parlement, et consentit à faire retirer les troupes, à condition que l'assemblée se séparerait. Les troupes renvoyées, le parlement resta en séance, compléta sa délibération, et publia en sortant un arrêt incendiaire contre tous les édits du roi. Tous ses membres reçurent dans la nuit des

lettres-de-cachet qui les envoyaient en exil. Des députés de la commission intermédiaire coururent à Versailles demander, au nom des droits et des capitulations de la province, le rappel de ses magistrats. A Rennes, les dissensions publiques devinrent des querelles particulières qu'on songeait à vider l'épée à la main. Les gentilshommes bretons se mirent à défier les officiers des troupes du roi qui avaient fait leur devoir. En vain le brave d'Hervilly désarma par sa générosité un adversaire aussi valeureux, mais moins heureux que lui, à qui trois fois il accorda la vie ; les personnalités et les défis recommencèrent entre d'autres champions. A la suite de plusieurs duels où un officier avait été tué, et d'autres blessés, un combat de sept contre sept fut résolu; les quatorze combattans furent nommés, le lieu et le jour pris: le comte de Thiars put encore empêcher ce scandale féroce. L'archevêque de Sens conçut dès ce moment l'idée d'opposer division à division, de soulever le tiers contre les deux premiers ordres, et d'en faire un rempart autour du trône (1).

Cependant la Provence faisait craindre les mêmes excès. Son parlement, sa noblesse, ses états qu'on avait dernièrement rétablis, se signalaient par des protestations, des remontrances, des députations,

(1) M. de Bouillé, dans une note de ses Mémoires, page 71, ne laisse aucun doute à cet égard : la marche du ministère fut conforme au plan que l'archevêque avait conçu. (Note des nouv. édit.)

semblables à celles de Bretagne. Le comte de Caraman, qui commandait dans cette province, recevait ordre de s'y rendre sur-le-champ, et partait avec des instructions pour négocier. Le lendemain de son arrivée, le parlement venait lui déclarer en face que tous les corps étaient décidés à ne pas reculer, et qu'il n'y avait pas de négociation possible. Tous ces corps en effet parlaient le même langage dans leurs harangues, et le trajet était devenu court de la menace à l'exécution: mais rien n'avait encore égalé la scène dont Grenoble devint le théâtre.

Dès le 11 mai, trois jours après la publication des nouveaux édits, une grande partie de la noblesse dauphinoise, s'étant assemblée à Grenoble, avait nommé trois députés pour aller demander au roi la révocation de ses édits, le rétablissement des états particuliers du Dauphiné, et la convocation des états-généraux du royaume. Cette province était une de celles où il y avait le plus de familles appartenant tout à la fois à la noblesse et au parlement. Encouragé par la résolution hardie du 11, le parlement brava la défense qui lui avait été signifiée, et, ne pouvant entrer au Palais, se réunit le 20 chez son premier président, M. de Bérulle. Là, il rédigea des protestations dont le ton peut s'apprécier par la dernière phrase la dernière phrase : « Il faut » enfin leur apprendre, disait la magistrature dauphinoise en parlant des ministres, ce que peut » une nation généreuse qu'ils veulent mettre aux

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»fers. » Les délibérations se continuaient, lorsque le 7 juin, à huit heures du matin, le duc de Tonnerre, commandant, fit distribuer à tous les membres du parlement des lettres-de-cachet, qui exilarent chaque magistrat dans sa terre. A peine ces ordres sont délivrés que les avocats et les procureurs se rassemblent, et viennent, en costume de deuil, saluer le premier président. Toute la cléricature du Palais est distribuée en même temps dans les places, dans les rues et dans les maisons de Grenoble. Un procureur dirigeait les mouvemens. On répète partout que si le parlement est enlevé à la ville, elle sera réduite à la misère. On ferme les boutiques qui commençaient à s'ouvrir. Toutes les cloches de Grenoble sonnent le tocsin, toute la populace se partage en divers attroupemens. Les uns vont aux différentes portes, les ferment et s'emparent des clefs, malgré la garde doublée par le commandant. D'autres vont chez le premier président et chez tous les autres magistrats, saisir leurs malles, leurs voitures, et avec des menaces, douces pour ceux qui les recevaient, défendre à tous les exilés de partir. Quelques-uns sont chargés d'aller tenir en respect les corps-degarde disséminés dans la ville, pendant que le corps principal des rebelles courait à l'hôtel du commandant, et, malgré une garde de trois cents hommes armés de balles, et de baïonnettes, entrait dans la cour. Le due de Tonnerre se montre aux fenêtres, harangue, jette de l'argent, promet d'ap

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