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tres personnages également qualifiés, dix conseillers d'État ou maîtres des requêtes, deux magistrats de la chambre des Comptes de Paris de la Cour des Aides, et un député de chaque parlement de province. Tous les membres de la Cour plénière étaient irrévocables et à vie. Ils devaient être présidés par le roi, en son absence par le chancelier ou le garde-des-sceaux, à leur défaut par le premier président ou autres présidens du parlement de Paris. Les séances habituelles devaient se tenir dans la grand'chambre du même parlement, et les sessions durer depuis le 1er décembre jusqu'au 1er avril.

Toutes ces explications données, tous ces édits lus et enregistrés du très-exprès commandement du roi, le garde-des-sceaux annonça une cinquième et dernière loi, qui constituait tous les parlemens du royaume en vacance, jusqu'à ce que le nouvel ordre fût établi; mesure qui, deux ans après, devait encore être imitée, non plus pour la réforme, mais pour l'anéantissement de toutes ces Cours. Cette dernière loi publiée, le roi reprit la parole. Il déclara que toutes ses volontés tendaient au bonheur de ses sujets, et que plus elles étaient modérées, plus elles seraient fermement exécutées. Il ordonna à ceux qui devaient être membres de la Cour plénière de rester à Versailles, aux autres de se retirer, et le lit de justice fut terminé.

Le lecteur peut maintenant juger par lui-même et les détails et l'ensemble de cette grande opéra

tion, objet d'une censure qui a été implacable, et le principe d'une résistance qu'on a crue invincible. Condamnée alors sans examen, elle serait peutêtre défendue aujourd'hui avec partialité. Ce qui est certain, c'est que le cri public qui s'éleva toutà-coup pour dénoncer dans la Cour plénière l'instrument d'un despote, et un sénat d'esclaves, se serait moins trompé s'il eût accusé en elle une puissance rivale du trône et capable de l'ébranler. Une Cour qui n'eût eu aucunes racines dans les monumens de l'histoire et dans le respect des peuples; un sénat sans aïeux, sans fortunes, sans vertus, sans volonté, sans moyens; qui, créé par la force, maintenu et soudoyé par elle, n'eût pas renfermé dans toute son organisation un seul atome d'indépendance : un tel sénat sans doute eût pu ne présenter qu'un troupeau d'esclaves, destinés à étendre sur tous les parlemens et sur la nation entière le joug qu'ils auraient subi les premiers. Mais à aucune époque les chefs de l'antique noblesse française n'eussent été les instrumens serviles des calamités publiques, et ils l'eussent été aujourd'hui moins que jamais. Les chefs de la magistrature présentaient une garantie sans doute aussi assurée contre des soupçons si injurieux. Enfin, c'était une bizarrerie digne de l'inconséquence des temps, que les plus ardens dénonciateurs de la Cour plénière, ceux qui la peignaient avec les plus odieuses couleurs, comme un corps essentiellement dévoué à l'obéissance passive, fussent préci→

sément les membres qui devaient la composer, et qui avaient résisté antérieurement lors de la dissolution des parlemens; qui venaient de résister avec une malheureuse efficacité dans les séances royales tenues au parlement de Paris; qui résistaient dans le moment même, en ne voulant pas, malgré les ordres réitérés du roi, entrer dans la Cour où il leur commandait de venir occuper une place (1).

Quelques personnes qui, soit raison, soit préjugé contraire, ne partagèrent pas alors la prévention générale, admettaient la possibilité que cette cour du Baronnage et des Pairs écrivit la grande charte des libertés publiques, comme avaient fait les grands barons en Angleterre, et finît par composer une première chambre dans une représentation vraiment nationale. Nous n'examinerons pas ici cette conjecture, aussi plausible que toute autre, et nous reprendrons le récit des faits.

(1) La déclaration du déficit, l'établissement de la Cour plénière, la solennité du lit de justice, étaient comme à l'ordinaire, dans le public, le sujet de mille plaisanteries. Voici l'une des moins mauvaises. On jugera par-là de ce qu'étaient les autres.

« On parle, dit-on, du mariage de très-haut et très-puissant seigneur monseigneur Déficit, avec très-haute et très-puissante demoiselle mademoiselle Plénière; mais il s'élève, ajoute-t-on, de grandes difficultés contre cette alliance: la première, c'est que monseigneur est d'une taille énorme, et mademoiselle très-petite et très-peu formée; on prétend aussi que l'union serait incestueuse, tous deux étant enfans du même lit. » Corresp. de Grimm, T. IV, p. 521. (Note des nouv. édit.)

reçu

La grand'chambre du parlement avait, ainsi que les pairs et les grands officiers de la couronne, l'ordre de rester à Versailles. Les autres chambres devaient en partir. Toutes étaient déclarées en vacance, et le Palais de justice était fermé à Paris. Dans ces circonstances, et n'ayant plus de lieu pour se réunir, le parlement, à peine descendu des appartemens royaux, tint une assemblée générale, non pas dans un jeu de раите, mais dans une auberge à Versailles. Il est à peu près certain que la majorité de la grand'chambre, en connaissant, dans son entier, le plan dont on ne lui avait dénoncé à Paris que des fragmens, penchait fortement vers la soumission. Mais ce serment fatal par lequel d'Éprémesnil l'avait engagée à se lier d'avance, l'adresse que mirent les autres chambres à se prévaloir de cet engagement sacré, l'esprit d'opposition porté au plus haut degré dans la plupart de ces pairs, qu'on présentait ailleurs comme les agens du pouvoir arbitraire, tout empêcha le retour vers les volontés du souverain. On arrêta une déclaration portant « que le silence >> des magistrats en présence de Sa Majesté ne de» Vait pas être regardé comme un acquiescement » aux édits; qu'ils se regardaient comme parfaite» ment étrangers à ce qui venait de se passer, et » qu'ils n'accepteraient aucune place dans la nou» velle Cour dénommée plénière; leurs sermens, » leurs devoirs, et leur fidélité au roi ne leur >> permettant pas d'y siéger. » La rédaction de cet

arrêté ne fut cependant pas résolue définitivement dans cette soirée, et on l'ajourna au lendemain.

Le lendemain, le roi, informé de la délibération de la veille, crut pouvoir en prévenir l'effet en paraissant l'ignorer, et en tenant dans ses appartemens une nouvelle séance en forme de lit de justice, à laquelle il appela tous ceux qui composaient la grand'chambre du parlement. Il leur déclara <«< qu'il les rassemblait pour leur confirmer sa » volonté ; qu'il persisterait dans un plan qui avait » pour base la tranquillité comme la félicité de » son peuple, et qu'il se reposait sur leur zèle >> autant que sur leur fidélité. » Toutes les chambres coururent dans le lieu où elles s'étaient assemblées la veille, et à l'unanimité sinon des sentimens au moins des voix, « les membres de la >> Cour persistèrent dans toutes leurs résolutions, >> et particulièrement dans celle du 3 mai. >>

On se disposait à une troisième séance royale pour le jour suivant. On y renonça d'après la rumeur, vraie ou fausse, que les pairs devaient tous, à l'exception de dix, protester à la face du roi contre tout ce qui s'était fait au lit de justice. Le premier ministre, qui avait annoncé tant de fermeté et de persistance, se trouva tout-à-coup ne sachant que résoudre. Le ridicule vint s'emparer de cette opération qui avait dû être si imposante. Les magistrats, retenus à Versailles par l'ordre du roi, pour composer la Cour plénière, erraient dans les rues de la ville ou dans les appartemens du châ

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