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de Français, une lutte enfin dans laquelle tout l'avantage ne pouvait manquer d'être du côté du parlement.

Tandis que le premier ministre voulait tout faire à la fois pour gagner au moins quelque faveur à quelque partie de son administration, les parlemens le contrariaient en tout, pour ne pas le laisser parvenir à cette popularité qu'ils voulaient garder exclusivement pour eux, afin de s'en servir contre lui. Ainsi Louis XVI, bien plus véritablement religieux qu'aucun de ses censeurs, fut à peu près, dans les chambres assemblées de Paris, accusé d'oublier et sommé de maintenir la religion de ses pères et celle du royaume, parce qu'il ne se croyait pas permis de refuser la jouissance des droits naturels et civils à des chrétiens différant de lui sur quelques points de leur croyance. Ce ne fut qu'après un assaut de remontrances et d'injonctions réitérées, après avoir essayé ce que pourraient contre une loi si juste ou les cris absurdes du fanatisme, ou les calculs sordides de la fiscalité (1), qu'on accorda la sanction de l'enregistrement à ce vœu du roi qui était le vœu de tous les gens de bien. La

(1) On voulut mettre pour condition à l'enregistrement que les biens confisqués sur les religionnaires seraient restitués à leurs héritiers, et le roi fit cette réponse remarquable : « Je pourvoirai à >> ce qui regarde la restitution des biens des religionnaires, sans » répandre le trouble dans les possessions qui ont la faveur de » l'ancienneté et de la bonne foi. Mon édit annonce cette dispo»sition qui ne peut avoir lieu qu'après l'enregistrement.>> W.

formation des assemblées provinciales, la perception des revenus publics éprouvèrent chaque jour de nouvelles difficultés dans les provinces. Le droit de consentir les impôts fut contesté aux états de Languedoc par le parlement de Toulouse, et à ceux de Bretagne par le parlement de Rennes. Celui de Metz enjoignit à l'assemblée des TroisÉvêchés de ne souscrire à aucun abonnement. Le parlement de Grenoble imita celui de Bordeaux, empêcha nettement l'exécution des édits du roi par des arrêts de défense, et toute la machine de l'administration se trouva subitement arrêtée en Dauphiné.

Pendant quatre mois toute la France retentit de remontrances, d'arrêtés, de cris de toute espèce qui demandaient impérieusement la révocation de l'exil du prince, la liberté des magistrats prisonniers, l'abolition des lettres-de-cachet; et déjà même quelques vœux se firent entendre pour la destruction de la Bastille et des autres prisons d'État. Les réponses du roi, arrêtées dans son Conseil, se trouvaient en désaccord avec ses sentimens et ses actions. C'était certainement une bizarre circonstance, et un étrange contre-sens que d'avoir amené les choses au point de faire défendre la théorie des lettres-de-cachet par la bouche du roi qui, dans la pratique, se vantait avec justice d'en avoir fait un usage plus modéré qu'aucun de ses prédécesseurs, et qui, d'époque en époque, avait resserré dans des bornes toujours plus étroites l'exer

cice de ce pouvoir. Mais le nombre est bien grand des hommes en autorité qui, même sans avoir embrassé l'exécrable système de ne compter jamais la justice pour rien, trouvent cependant commode de pouvoir s'en affranchir quand il leur plaît. Le premier ministre d'ailleurs calculait qu'il aurait bientôt besoin de moyens rigoureux. Il méditait un changement complet dans l'administration générale de tout le royaume; il s'attendait à des résistances, ne connaissait pas une autre manière de les vaincre, hélas! et ne savait même employer la seule qu'il connût.

Vers le mois d'avril 1788, le gouvernement, fidèle à l'engagement qu'il avait contracté de rendre un compte annuel des finances, annonça qu'il allait publier l'état de recette et de dépense de l'année courante. Le résultat du compte avait déjà percé dans le public. La disproportion du revenu ordinaire avec les charges totales de cette année était de cent soixante millions. Ce déficit devait être non-seulement couvert mais excédé de sept millions par le produit présumé des emprunts successifs, et par la portion réalisée des réformes promises. Celles-ci, que nous avons vues arrêtées pour la seconde année à cinquante millions, étaient consommées, dès ce premier compte, pour la valeur de trente-six, et l'on annonçait une nouvelle progression qui les porterait jusqu'à cent deux millions pour l'année 1792, époque de la tenue des états-généraux. M. Lambert, alors contrôleur

général des finances, long-temps membre distingué du parlement de Paris, joignant à toutes les vertus morales et religieuses une instruction profonde et une méthode admirable, M. Lambert avait mis à ce Compte rendu le sceau de son travail et de sa probité. On avait songé à calmer les esprits en même temps qu'à les éclairer. Tout en soutenant le droit d'expédier des lettres-de-cachet, on avait dans le fait révoqué celles qui avaient été lancées contre le duc d'Orléans et les deux magistrats. Le premier était entièrement libre : les deux autres, sortis de prison, avaient eu la permission de se rendre dans leurs terres. Une émulation louable se faisait remarquer dans les divers départemens. Le comte de Brienne avec le conseil de

la

guerre, le comte de La Luzerne avec celui de la marine se livraient sans relâche à un travail assidu dont quelques objets peut-être étaient d'une utilité douteuse, mais dont l'ensemble attestait certainement le zèle et l'intégrité. Le garde-dessceaux, aidé des lumières et des vertus de cet autre Lamoignon, dont le nom ne se prononce plus sans douleur et sans respect, s'occupait infatigablement de la réforme si nécessaire dans la législation criminelle, et de l'amélioration tant désirée dans l'éducation publique. Il avait déjà commencé d'associer à ses nobles travaux le parlement de Paris, en demandant qu'il s'y formât un comité pour concourir à l'examen et à la discussion des projets de lois nouvelles. Une première déclara

tion du roi, précieuse pour les droits du citoyen et pour la défense de l'innocent, avait déjà été envoyée aux chambres assemblées. Le baron de Breteuil s'appliquait à l'embellissement de Paris, mais à ce genre d'embellissement qui est salutaire et n'est point onéreux. Il dégageait les ponts des masures malsaines qui les surchargeaient; rendait à l'air sa circulation et sa salubrité; isolait, multipliait et enrichissait les hôpitaux; obéissait enfin au vou le plus cher du roi, en soignant le pauvre avec une attention suivie. Le ministre des affaires étrangères, homme instruit et aimable, d'un esprit fin, doux, conciliant, et qui a montré par la suite qu'il savait y joindre le courage, le comte de Montmorin conservait la paix du dehors qui avait pensé être troublée par les querelles de la Hollande. C'est un problème aujourd'hui, s'il ne faut pas regretter les succès qu'eut alors son habileté ; si l'on n'eût pas détourné le cours menaçant de la sédition, en portant subitement les esprits vers une occupation aussi dominante qu'immédiate; et si ces parlemens, qui refusaient tout subside à la demande raisonnée des ministres, n'eussent pas cédé au cri impérieux et alarmant de la guerre. Quoi qu'il en soit de cette question, élevée comme tant d'autres après l'événement, il est certain qu'alors l'état des finances faisait frémir à l'idée d'une seule

campagne. Le simple simulacre d'un camp établi à Givet n'avait pas pu se réaliser. La paix seule était désirée, elle était obtenue, et le tableau gé

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