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>> dale d'un tel abus de pouvoir. » Les arrêtés furent cassés comme contraires aux lois, attentatoires à l'autorité du roi, tendant à détourner de l'obéissance qui lui était due par les peuples auxquels les parlemens devaient l'exemple de la soumission. Défenses furent faites, sous peine de désobéissance, et aux officiers du parlement de Paris de donner aucune suite, et à leurs subordonnés d'avoir aucun égard à ces arrêtés. Les intendans des provinces qui étaient dans le ressort de cette Cour eurent ordre de tenir la main à l'exécution de cet arrêt du Conseil, qui fut signifié au greffe du parlement, envoyé à chaque bailliage et sénéchaussée de sa juridiction, publié et affiché dans tout le royaume. Peu de jours avant cet acte solennel du Conseil, l'archevêque de Toulouse, pour se donner plus de force et rehausser l'idée de son crédit, s'était fait déclarer par le roi premier ministre en titre. Alors des hommes, qui depuis furent séparés de la cause royale, concouraient cordialement aux mesures fortes qui avaient pour but de la servir. Dès ce temps-là les séditieux voulurent prendre le Palais-Royal pour le lieu de ralliement. Le duc d'Orléans fit afficher que les priviléges des habitans renfermés dans son enceinte étaient suspendus. Il y appela lui-même des troupes pour disperser les rassemblemens. Il fit plus : il porta au roi un mémoire, dans lequel il lui demandait de ne pas laisser le bien de son service et la tranquillité de son État dépendre de la mobile succession des mi

nistres et de la diversité de leurs caractères, mais d'établir dans chaque département un conseil dont la permanence garantît la stabilité des principes, et la continuité ainsi que l'unité des opérations. Le roi remercia le duc d'Orléans de son zèle, et créa bientôt après deux conseils pour le département de la guerre et pour celui de la marine. Quelle fatalité horrible, quel génie de crime et de malédiction vinrent donc ensuite établir une division aussi désastreuse, là où régnait alors une si salutaire union?

Le parlement de Paris ne fut pas sans inquiétude à la lecture de l'arrêt du Conseil, dont nous venons de rendre compte. Il se sentit d'ailleurs très-promptement ennuyé du séjour de Troyes. Il ouvrit l'oreille à une négociation. L'archevêque de Toulouse eût pu la rendre plus favorable au roi; mais en menaçant il avait peur. Il était encore plus préoccupé de conserver sa place que de la bien remplir. La plus légère apparence de paix lui paraissait devoir être saisie sans délibération. Le roi retira provisoirement les deux édits bursaux qui avaient été votés par les notables, et les hommes d'État jugèrent de ce moment son autorité compromise. Le parlement de Paris enregistra provisoirement la prorogation des deux vingtièmes avec plus d'exactitude dans leur perception, et les parlemens de province lui reprochèrent d'avoir violé les principes qu'il venait de professer. « Vous êtes >> aussi sage que Charles V, » dit le parlement

au roi, qui venait d'être entraîné à une si dangereuse imprudence. « Je suis content de votre » obéissance,» répondit le roi au parlement qui, même en enregistrant les vingtièmes, venait de répéter qu'il persistait dans tous ses arrétés. Quoi qu'il en soit, le parlement de retour à Paris fut mis en vacances, et il y eut réellement une tranquillité passagère.

Le terme des vacances arriva, et les sources de discorde se rouvrirent. Le gouvernement arrêta une grande mesure. Louis XVI vint tenir une séance royale au parlement de Paris. Il vint répondre en personne aux pétitions qui lui avaient été adressées de toutes parts pour la convocation des états-généraux. Il vint défendre avec solennité les principes de la monarchie contre cette attaque universelle de la ligue parlementaire. Enfin il apportait avec lui deux édits; l'un créant, pour la libération de l'État et pour l'exécution même des réformes, des emprunts successifs, qui, pendant le cours de cinq années, devaient monter à quatre cent vingt millions; l'autre restituant aux Français non-catholiques ces droits naturels et civils qu'on n'avait jamais dû leur enlever. Et sur ces deux grands actes d'administration et de législation, le roi voulait entendre lui-même son parlement. Il permettait que les deux édits fussent délibérés à haute voix en sa présence.

Aujourd'hui que l'esprit de faction est honteux de lui-même, et voit avec effroi la suite d'excès qui

ont été engendrés l'un de l'autre ; lorsque, avec le calme d'une raison et les lumières d'une expérience qui ont coûté si cher, on relit le discours vraiment admirable que proféra, dans cette séance, au nom du roi, le garde-des-sceaux Lamoignon, on ne conçoit pas que tant de noblesse, tant de franchise des besoins si pressans, des sacrifices si étendus un patriotisme si vrai n'aient pas désarmé l'opposition. Sans doute il y avait, dans ce discours sur la puissance illimitée de la couronne, quelques maximes qui ne s'accordaient pas avec l'esprit du moment. Mais ces principes théoriques étaient transcrits, mót pour mot, des registres même du parlement devant lequel on les professait, et dans la pratique le roi venait imposer à son autorité les freins les plus forts et les plus multipliés, Ainsi, on disait en principe que le roi devait compte à Dieu seul de l'exercice de son pouvoir supréme et de fait le roi s'engageait solennellement à faire publier tous les ans le compte des finances. On établissait qu'au roi seul appartenait le droit de juger si la convocation des états-généraux était utile ou nécessaire, et le roi promettait de faire cette convocation avant cinq ans, et, pour garantir l'exécution de cette promesse, le roi bornait à cinq ans la prorogation des vingtièmes, ainsi que les emprunts successifs qu'il venait faire enregistrer. Le roi, en sortant de l'assemblée des notables, avait annoncé pour quarante millions de réformes annuelles; le gardedes-sceaux en produisait au parlement pour plus

de cinquante, article par article, et il en faisait espérer encore davantage. Tout ce que demandait le bon, le vertueux Louis XVI, c'était un peu de temps pour se préparer à une aussi grande mesure que le renouvellement des états-généraux, après soixante-quinze ans d'interruption; c'était de ne se présenter à la nation assemblée qu'en pouvant lui communiquer tout ce qu'il aurait fait pour son bonheur et pour le rendre durable.

Voilà ce que le parlement de Paris ne voulut pas accorder à son roi qui venait le lui demander en personne, et voilà quel sera aux yeux de la postérité le tort irrémissible de cette Cour de justice.

Il est juste d'avouer qu'il y eut, dans cette séance, une grande faute commise par le gouvernement. Lorsqu'en présence du roi toutes les opinions eurent été proférées et débattues à haute voix, il parut évident que la majorité était pour enregistrer purement et simplement les deux édits que le roi avait apportés. Le moment venu de résumer les opinions et de compter les voix, le garde-des-sceaux observa tout-à-coup qu'en principe les voix ne se comptaient pas partout où était le souverain, et que tout suffrage en sa présence était purement consultatif. Le roi lui-même prit la parole, dit qu'il était suffisamment instruit, et ordonna l'enregistrement des édits. Un murmure sourd parcourut aussitôt l'assemblée. Non seulement l'opposition, mais beaucoup de ceux qui étaient prêts à voter pour le gouvernement se plaignirent d'un renver

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