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charges, non moins lucratives qu'éclatantes, et qui avaient été supprimées à l'instant. En publiant le même jour l'état de ces réformes et les édits enregistrés dans le lit de justice du 6 pour les deux impôts, dont le terme d'ailleurs était marqué avec précision, le roi avait eru vaincre toutes les résistances il s'était trompé. La publication de ses édits était du samedi 11: le lundi 13, le parlement, chambres assemblées et pairs convoqués, arrêta et publia, « que c'était par une déférence volon>> taire pour les désirs du roi que, de tout temps, » il s'était porté à enregistrer les impôts; qu'il n'a>> vait aucun pouvoir à cet égard, et qu'il n'en » pouvait pas recevoir du roi; que cette erreur >> avait duré assez long-temps, et que la Cour dé» clarait qu'à l'avenir le roi ne pourrait obtenir au» cun impôt, sans au préalable avoir convoqué et » entendu les états-généraux. "

Pendant la longue délibération qui, depuis huit heures du matin jusqu'à sept heures du soir, avait précédé et produit cet arrêté, un peuple immense avait rempli successivement les salles, les cours et jusqu'aux avenues du Palais de Justice. A l'instant où les magistrats levèrent la séance, où les portes de la grand'chambre s'ouvrirent, et où il fut fait une lecture publique d'un arrêté qui par sa nature

de chevaux dans ses équipages de chasse. Sa Majesté a répondu, dit-on : J'aime la chasse, il est vrai, mais j'ai peu de temps à moi. » (Note des nouv. édit.)

devait être voué au secret, une espèce de délire s'empara de toutes les têtes. Ce n'étaient pas seulement des acclamations, mais des hurlemens, des transports d'affection presque redoutables pour ceux-là même qui les inspiraient, et autant d'imprécations contre le gouvernement que de signes d'idolâtrie pour les magistrats qui lui résistaient.

Il y eut de la part de ceux-ci une forte réaction. Tandis que les graves sénateurs ne songeaient qu'à se dérober à des effusions qu'ils se félicitaient intérieurement de n'avoir pas méritées, les jeunes gens des enquêtes aimaient à se sentir pressés par la foule, se dénonçaient, pour ainsi dire, l'un l'autre à la reconnaissance populaire, et désignaient pour le triomphe ceux d'entre eux qui venaient d'opiner avec le plus de hardiesse dans la délibération des chambres. Le conseiller d'Éprémesnil avait à peine paru, qu'il fut élevé au-dessus de toutes les têtes, puis porté dans les bras jusqu'à sa voiture. Les imitateurs de son courage furent associés à sa gloire. Le temple de la justice devenait insensiblement le siége de la révolte.

Dès le soir il se tint à Versailles un conseil extraordinaire. Il y en eut un second le lendemain et dans la nuit tous les membres du parlement reçurent une lettre-de-cachet, qui leur ordonnait de se rendre à Troyes en Champagne. Ils obéirent.

Deux jours après, les frères du roi furent envoyés à Paris pour faire enregistrer les deux édits; MONSIEUR à la chambre des Comptes, et monsei

gneur comte d'Artois à la Cour des Aides. Ce dernier prince fut insulté par une troupe de séditieux, ses gardes furent attaqués, on craignit un danger réel, il fallut le repousser, et plusieurs individus. furent étouffés dans la foule, victimes ou de leur insolence ou de leur indiscrétion (1). Les ordres du maréchal de Biron, à qui heureusement la police avait été confiée, dispersèrent les attroupemens et rétablirent la paix.

Les arrêtés des deux Cours vinrent ranimer la fermentation. La chambre des Comptes qui, avant de recevoir MONSIEUR, avait protesté d'avance contre tout ce qui allait se faire, renouvela ses protestations dès qu'il fut sorti. Elle ne s'en tint pas là. Elle se plaignit de l'exil et demanda le retour des magistrats du parlement, applaudit à leur conduite comme leur ayant été dictée par le patriotisme le plus pur; puis imitant ce qu'elle venait de louer professant à son tour que, suivant les formes constitutionnelles de la monarchie, une nouvelle nature de subsides exigeait le consentement de la nation, la chambre des Comptes déclara nulle et illé

(1) « Le lendemain du départ du parlement, les deux princes, » frères du roi, furent chargés de porter les édits aux autres Cours. » MONSIEUR vint à la Chambre des comptes avec une contenance >> triste et une physionomie accommodée aux circonstances. Le » peuple lui sut gré de cette déférence et lui prodigua ses applau» dissemens. Le comte d'Artois, au contraire, fut accueilli par › des murmures et des insultes pour avoir affecté une attitude » fière et un regard menaçant. » (Ann. franç., par M. Sallier. ) (Note des nouv. édit.)

gale la transcription faite sur ses registres d'impositions nouvelles qui ne pouvaient être consenties que par les états-généraux.

La Cour des Aides avait remis sa délibération au lendemain. Le lieu de ses séances fut, pour ainsi dire, assiégé par une armée de procureurs, d'écrivains, par toute la cléricature indisciplinée appartenant aux diverses juridictions de la capitale. Les factieux, instruits que la séance allait finir, forcèrent les portes de la chambre avant que la Cour fût retirée, et ordonnèrent impérieusement une lecture publique de l'arrêté qui venait d'être pris. Ils durent en être satisfaits. La Cour des Aides en concluant, comme la chambre des Comptes venait de le faire, «‹ à la nullité des enregistremens de la » veille, au rappel du parlement et à la convoca>>tion des états-généraux,» s'exprimait avec bien plus de hardiesse. En répétant que les édits enregistrés étaient des lois désastreuses, elle ajoutait qu'une nation qui payait six cents millions devrait se trouver à l'abri de toutes les nouvelles inventions du génie fiscal. Elle déclarait que la première de toutes les lois était la loi de la propriété; que c'était le droit essentiel de tout peuple qui n'était pas esclave; et que ce serait anéantir ce droit sacré et imprescriptible, que de consentir à l'établis sement de tout impôt que la nation n'aurait pas octroyé. Elle se reprochait à elle-même d'avoir autorisé la levée de certains impôts. Elle avait trop présumé de l'amour des Français pour leur sou

verain. Elle n'avait pas assez mesuré l'étendue d'un pouvoir que le roi lui-même ne pouvait communiquer aux magistrats, puisqu'il n'appartenait qu'à la nation.La Cour des Aides était plus fondée qu'aucune autre à demander les états-généraux, elle qui avait été créée à leur demande. Toutes les Cours devaient tenir le même langage, parce que c'était celui de la nation. Qui oserait persuader au roi que c'était être ennemi du trône que de défendre les intérêts du peuple?

Le feu gagna de la capitale dans les provinces; Bordeaux, Toulouse, Grenoble, Besançon, se signalèrent. Quelques parlemens allaient plus loin que celui de Paris. Non-seulement ils proscrivaient les deux édits bursaux, mais ils ne voulaient pas même d'assemblées provinciales. Cependant toute espèce de crédit s'altérait. L'état des finances se détériorait de jour en jour. Non-seulement les subsides nécessaires pour remplir le vide reconnu ne s'établissaient point, mais ce vide augmentait partout, ce qui est la suite de la méfiance et de l'instabilité, par la baisse des fonds, la gêne du commerce, la stagnation du numéraire, les terreurs de l'ignorance, les manœuvres de l'agiotage, les intrigues de l'ambition.

Le gouvernement parut vouloir déployer de la fermeté. Un arrêt du Conseil, après avoir analysé avec force la suite des arrêtés qu'avait pris dans les derniers temps le parlement de Paris, déclara qu'il était du devoir du roi de faire cesser le scan

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