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Le jour où l'assemblée des notables fut congédiée, le premier ministre dut encore être frappé de l'avenir qui se préparait pour lui. Pendant que toutes les harangues adressées au roi ne l'entretenaient que de la « reconnaissance, de l'amour sans >> bornes, du dévouement de tous les Français » pour sa personne sacrée, de l'émulation du bien >> public qui allait embraser tous les cœurs, de » la prompte exécution des plans d'ordre, de jus»tice et d'économie que la sagesse du monarque » avait formés, » le premier président du parlement de Paris, se levant avec tous les membres des autres cours qui étaient présens, prononça ces paroles sinistres qui étaient, pour ainsi dire, toutes grosses de tempêtes : « Les notables ont vu » avec effroi la profondeur du mal..... Une ad» ministration prudente et mesurée doit aujour»d'hui rassurer LA NATION Contre les suites fàcheu>> ses dont votre parlement avait prévu plus >> d'une fois les conséquences.... Les différens » plans proposés à Votre Majesté méritent la dé>> libération la plus réfléchie.... Il serait indiscret » à nous, DANS CE MOMENT, d'oser indiquer les objets qui pourraient de préférence mériter votre » choix.... Le silence le plus respectueux est, >> DANS CE MOMENT, notre seul partage........ »

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Au surplus, dans cette dernière et mémorable séance, le garde-des-sceaux dit aux notables : « Vous » avez été le conseil de votre roi ; vous avez pré» paré et facilité la RÉVOLUTION la plus désirable

» sans autre autorité que celle de la confiance, » qui est la première de toutes les puissances dans >> le gouvernement des États. >> Parlant après lui, le premier ministre prononça ces paroles plus remarquables encore : « Puisqu'un seul et même in» térêt doit animer les trois ordres, on pourrait >> croire que chacun devrait avoir un égal nombre » de représentans. Les deux premiers ont pré» féré d'être confondus et réunis; et par-là le » tiers-état, assuré de réunir à lui seul AUTant de VOIX que le clergé et la noblesse ensemble, ne » craindra jamais qu'aucun intérêt particulier en » égare les suffrages. Il est juste d'ailleurs que >> cette portion des sujets de Sa Majesté, si nom» breuse, si intéressante et si digne de sa protec>>tion, reçoive au moins, par le nombre des voix, >> une compensation de l'influence que donnent né» cessairement la richesse, la dignité et la naissance.

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>> En suivant les mêmes vues, poursuivit l'arche» vêque de Toulouse, le roi ordonnera que les suf>> frages ne soient pas recueillis par ordre, mais PAR » TÊTE. La pluralité des opinions des ordres ne re» présente pas toujours cette pluralité réelle, qui » seule exprime véritablement le vœu d'une assem» blée. »

II y a une légèreté, ou une injustice voisine de l'improbité, à omettre tous ces antécédens, quand on prétend examiner qui a été responsable de la double représentation du tiers-état et de l'opinion par tête.

Le moment ne tarda pas à venir où les parlemens s'étaient réservé de rompre le silence et de dépouiller le respect. Les princes et les pairs reçurent du roi l'ordre d'aller au parlement de Paris pour l'enregistrement des édits délibérés par les notables. L'établissement des assemblées provinciales et le règlement sur le commerce des blés passèrent sans difficulté. Mais, sur la suppression des corvées, il y eut des commissaires nommés ; et aussitôt que l'édit du timbre parut, le parlement déclara «< qu'il lui était impossible de se convaincre de la nécessité de l'impôt, avant d'avoir vérifié luimême le déficit et vu les états de recette et de dépense, ainsi que l'état des économies et bonifications que Sa Majesté avait annoncées; » et il supplia le roi de lui accorder toutes ces communications.

Le roi refusa au parlement des communications au moins inutiles, le rappela au genre de ses fonctions, lui ordonna d'enregistrer l'édit du timbre. Le parlement arrêta d'itératives supplications, reçut un troisième ordre qu'il repoussa par un troisième refus; et tout-à-coup s'accusant lui-même d'une usurpation presque immémoriale; abjurant en un jour, pour renverser l'État, les prétentions qu'il avait arborées pendant des siècles pour l'agiter; flétrissant du nom d'erreur ce qu'il avait appelé jusque-là les principes constitutifs des parlemens, il consigna dans ses remontrances cette déclaration inattendue, qui, produite au milieu d'une effervescence générale, devait avoir des conséquences

si terribles : « La nation seule (1), réunie dans des LA NATION SEULE états-généraux, peut donner à un impôt perpé>> tuel un consentement nécessaire. Le parlement » n'a pas le pouvoir de suppléer ce consentement; >> encore moins celui de l'attester quand rien ne >> le constate. Chargé par le souverain d'annoncer » sa volonté aux peuples, il n'a jamais été chargé >> par ces derniers de les remplacer.

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Les remontrances contre un premier impôt étaient à peine envoyées, que le parlement en recevait un de plus à enregistrer. Le ministre fit déclarer par le roi, « qu'il ne voulait laisser aucune >> incertitude ni sur l'étendue, ni sur les bornes » des secours qu'exigeaient les circonstances, » et l'édit de la subvention territoriale fut porté aux chambres assemblées.

On eut peine à en achever la lecture, tant les esprits étaient enflammés par cette espèce de défi. Un conseiller clerc, l'abbé Sabathier, s'abandonnant aux déclamations les plus incendiaires, reproduisit l'avis qu'il avait déjà ouvert lors de la délibération sur l'impôt du timbre, reprochant à ses collègues de ne l'avoir pas adopté dès lors, et leur demandant s'ils hésiteraient aujourd'hui ? Cet avis n'allait à rien moins qu'à requérir du roi la convocation immédiate des états-généraux. Aussi

(1) Nous croyons devoir avertir le lecteur, une fois pour toutes, que les phrases soulignées l'ont été par Weber, et que nous n'imprimons en petites capitales que les mots qu'il a lui-même impri(Note des nouv. édit.)

més ainsi.

violent et plus rhéteur que Sabathier, le conseiller d'Éprémesnil, qui avait toujours placé sa gloire à braver l'autorité royale, appuya de tous ses moyens un avis aussi menaçant pour elle. Les Duport, les Fréteau, les Robert, toute la faction américaine du parlement de Paris donnèrent tête baissée dans l'insurrection. En vain les plus sages magistrats, ceux qui avaient blanchi dans le temple de la justice, ceux qui, par des vertus et des lumières éprouvées, devaient se concilier les suffrages de leur compagnie; en vain les d'Ormesson, les Sarron, les Séguier, les d'Outremont s'efforcèrent de résister au torrent: leur opposition fut renversée comme une faible digue. Sabathier triompha et de l'autorité de son roi et de la sagesse de ses collègues. La demande des états-généraux fut résolue par la majorité des chambres assemblées.

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Cependant les bonifications et réformes déjà effectuées, et qui s'élevaient à plus de vingt millions par an, furent publiées par le Conseil; et l'on put reconnaître que la cour ne s'épargnait pas : le roi, la reine et toute la famille royale avaient donné l'exemple des sacrifices personnels (1) les favoris, les courtisans, le duc de Coigny, le duc de Polignac, s'étaient démis noblement de grandes

:

(1) On lit à ce sujet le passage suivant dans la Correspondance secrète de la cour de Louis XVI:

« On parle d'une grande réforme dans les écuries. On représentait au roi qu'il ne resterait point, suivant le nouveau plan, assez

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