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étaient partis de Versailles le samedi, tout près de se rendre : ils y revinrent le lundi criant vengeance. Les ennemis personnels ou les rivaux ambitieux de M. de Calonne, les amis ardens ou les sectateurs enthousiastes de M. Necker attisèrent encore le feu de cette indignation. Tous les bureaux portèrent des plaintes au roi contre son ministre. Les notables, présidés par M. le prince de Conti, se signalèrent par l'énergie de leur arrêté, et, pour leur faire honneur, on les appela les grenadiers de Conti. M. de Calonne luttait courageusement contre la tempête. Il eut encore le crédit de faire renvoyer le garde des sceaux, qui intriguait sous main, avec les membres du parlement, contre les mêmes projets qu'il avait approuvés dans le conseil avec les ministres du roi. Mais le baron de Breteuil qu'il voulait envelopper dans la même disgrâce, et qui avait plus d'appui que le garde-dessceaux, le marquis de Montmorin qui, en bon ci

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du roi, On exagéra beaucoup la gravité de ce tort, sans cependant que le roi parût y mettre une grande importance; mais ce qui le décida, ce fut un mouvement d'indignation excité dans l'assemblée des notables par un acte de désespoir que Calonne s'était permis contre elle. Poursuivi par ses accusations, il avait fait imprimer une espèce d'apologie, pour ainsi dire, en forme d'appel au peuple. Il avait fait crier cet écrit dans les rues et l'avait envoyé aux curés des campagnes, mesure inconsidérée, aussi nouvelle que violente dans un gouvernement où la réserve était la première des qualités exigées des administrateurs... » Annales françaises, par M. G.-M. Sallier, p. 67.

(Note des nouv. édit.)

toyen, était effrayé du mécontentement général, allèrent trouver la reine, et lui représentèrent que le ministre qui venait d'exciter tant de ressentimens ne pouvait pas rétablir les affaires; que le succès même de ses projets, si on les jugeait utiles, exigeait sa retraite, et qu'il n'y avait pas de danger qu'on ne fût fondé à craindre de sa présence. L'archevêque de Toulouse donna alors un caractère plus prononcé aux notes qu'il rédigeait pour le roi. Dans l'instant même où Calonne s'applaudissait d'avoir fait ôter les sceaux à Miromesnil, il reçut un message du roi qui lui demandait sa démission du contrôle - général. Le président de Lamoignon, qu'il avait indiqué pour remplacer Miromesnil, n'en eut pas moins les sceaux. Calonne, en tombant, disposa encore de la première place de l'État.

Le roi vint tenir une séance dans l'assemblée générale des notables, et tous les principes parurent changés. Il annonça qu'il faisait rédiger une loi sur les assemblées provinciales, et qu'il conserverait aux deux premiers ordres de l'État la préséance qu'ils avaient toujours eue dant les assemblées nationales. Il remercia les archevêques et évêques de l'empressement avec lequel ils avaient déclaré ne prétendre aucune exemption dans les charges publiques, et promit d'écouter l'assemblée du clergé sur ce qui pouvait intéresser ses formes,, ainsi que sur les moyens de rembourser sa dette. Enfin il déclara qu'il avait ordonné qu'on remit au

président de chaque bureau les états de recette et de dépense. Le nouveau garde-des-sceaux dit aux notables qu'en emandant cette communication <«< ils avaient te ce qu'ils avaient dû faire; » et le contrôleur-général qui ne devait que passer, Bouvard de Fourqueux, lut deux mémoires de Calonne, ayant pour objet, l'un d'établir une taxe sur le timbre, l'autre d'ouvrir des emprunts successifs pour effectuer les remboursemens à époques

fixes là finit son ministère.

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Huit jours après, le véritable ministre se montra: c'était Brienne, archevêque de Toulouse. L'abbé de Vermont avait dû autrefois à ce prélat d'être envoyé à Vienne par le duc de Choiseul, comme instituteur de la jeune archiduchesse destinée à devenir reine de France. Il saisit ce moment de servir son bienfaiteur auprès de sa souveraine dont il possédait l'intime confiance. Il avait fait précédemment plusieurs tentatives inutiles, et dans lesquelles il s'était bien gardé de persister, car jamais personne n'usa de son crédit plus modestement que l'abbé de Vermont : mais la crise actuelle, l'inquiétude générale, les représentations alarmantes de deux ministres principalement influans, lui donnèrent cette fois une force irrésistible (1). La reine parla, le roi fut persuadé. L'un

(1) L'abbé de Vermont est un personnage remarquable par l'influence dont il parvint à jouir à la cour; influence qu'il exerçait sans faste, mais qu'il n'avait point obtenue sans beaucoup d'habi

et l'autre crurent, non sans raison, qu'il ne s'agissait de rien moins que du salut public; et, sur les moyens de remédier au mal, l'un et l'autre furent entraînés par les préjugés publics.

leté. Un écrivain contemporain a tracé son portrait et dévoilé ses vues secrètes dans le morceau suivant.

« L'abbé de Vermont, lecteur de la reine, était l'instrument dont se servait une cabale cachée pour remettre, à la mort de M. de Maurepas, sans que le roi s'en doutât, l'action du gouver-、 nement entre les mains de la reine. Cet abbé, frère de l'accoucheur de la reine, portait son caractère sur sa figure. Avec des yeux perçans, sombre et sauvage, il était d'une grande ténacité dans son opinion, mais sans ambition apparente; il dédaignait les honneurs pour mieux consolider l'ascendant de son crédit sur l'esprit de la reine qui lui avait donné toute sa confiance; possesseur de deux riches abbayes, il avait renoncé à l'épiscopat : mais il s'était fait donner les entrées chez le roi. Il se montrait rarement, et semblait ne vivre et n'agir que comme dévoué à la reine dans tout ce qui pouvait intéresser cette princesse.

» L'abbé de Vermont était docteur de Sorbonne et bibliothécaire au college Mazarin, lorsque le duc de Choiseul demanda à l'archevêque de Toulouse un ecclésiastique qui eût du caractère et les principes du grand monde, pour aller perfectionner à Vienne l'éducation française de la jeune archiduchesse Marie-Antoinette, désignée comme épouse future du dauphin. Cet archevêque, déshonoré depuis par son incapacité comme principal ministré, par son apostasie comme cardinal de Loménie, par son serment et par sort tragique comme archevêque de Sens, indiqua l'abbé de Vermont. L'abbé de Vermont, envoyé à Vienne comme un homme en qui on pouvait mettre toute confiance, trouva de grandes facilités pour s'emparer de l'esprit de MarieAntoinette. Dès cette époque, cette princesse contracta l'habitude de faire l'abbé de Vermont confident et arbitre de toutes ses pensées; et jusqu'au moment de la révolóbus 9a cessé de jouir du même ascendant. Il n'est pas étonnant que cette jeune reine, vive, aimable, entraînant tous les cœurs par les charmes de son

Une circonstance peu connue donnera une juste idée de tous les genres d'artifice qu'employa l'archevêque Brienne pour parvenir à son but. Le marquis de La Fayette qui ne perdait jamais de vue le sien, qui se croyait appelé à l'apostolat uni

caractère, et par une physionomie brillante à la fois du double éclat de la grandeur et de la beauté, se laissât gouverner par un tel guide.

>>Tous les ministres, comme nous l'avons vu, étaient absolument aux ordres du comte de Maurepas et dans sa dépendance. Le seul maréchal de Castries, ministre de la marine, sans s'écarter des formes extérieures qu'il était obligé de garder envers le mentor du roi, marquait publiquement son extrême déférence pour les volontés de la reine en tout ce qui concernait son département. Les autres ministres ne manquaient en rien au respect et aux égards dus à l'épouse du souverain, mais ils croyaient ne devoir point, sans ordre du roi, lui confier ou subordonner à sa volonté un travail et des opérations dont le secret n'appartenait qu'au roi et à son principal ministre. Quand la reine désirait quelque chose du ressort d'un département ministériel, elle ne s'adressait que rarement au roi, à qui l'on avait trop fortement inculqué le principe qu'il ne fallait donner aucune influence aux femmes dans le gouvernement. Alors la reine faisait part de son désir au ministre luimême qui promettait de proposer au roi la chose demandée par la reine, et quelquefois même exposait les raisons qui en motivaient le refus. Cette dépendance des ministres parut une indécence à l'abbé de Vermont : suivant lui, les désirs de la reine devaient être des ordres et non de simples recommandations subordonnées à la bonne ou mauvaise volonté d'un ministre. Cette morale politique était tropséduisante et trop commode pour n'être pas du goût de la reine, habituée aux adorations d'une cour dont elle faisait le principal ornement. Elle l'adopta, et alors ses serviteurs dévoués ne tardèrent pas de tout mettre en œuvre pour lui procurer l'influence principale dans le gouvernement.>> (Note des nouv.

v. édit.)

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