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qu'eut le ministre principal, pour presser le roi de confier ce département à un autre. Un homme dont la vie avait été un modèle de pureté, d'honneur et de zèle ; brillant à la guerre, où il avait remporté une victoire sur le duc de Brunswick; actif dans la paix, pendant laquelle il étudiait tout ce qui pouvait le rendre utile à son roi et à son pays; un homme à qui aucune vertu morale, ni aucune connaissance politique n'était étrangère; chevalier sans reproche, courtisan avec noblesse sagement citoyen; en un mot le marquis, depuis maréchal de Castries, fut proposé pour la marine par M. Necker et nommé par le roi qui alla voir son vieux conseiller malade à Paris, pour adoucir par cette faveur signalée le déplaisir qu'il aurait de voir un ministre arriver par un autre que par lui. Le vieux premier ministre dissimula, mais ne pardonna pas au directeur-général d'avoir inspiré au roi un changement et un choix universellement applaudis. Rien n'était plus précieux, dans la circonstance, que l'accord entre le département de la marine et celui des finances : cette idée ne put l'emporter sur l'instinct vindicatif du ministre principal. Chose vraiment incroyable! Le Compte rendu avait été publié sous la garantie de Maurepas, à qui toutes les pièces justificatives avaient été soumises. Son nom en attestait l'authenticité, et ses propos le tournaient en ridicule (1). Une

(1) Avez-vous lu le compte bleu, disait-il à tous ses amis avec un sourire ironique. Le Compte rendu, imprimé avec des vignet

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perfidie plus grave vint compromettre le service du roi et le bien de l'État, en même temps qu'exposer la personne de l'administrateur, qui, selon l'opinion d'alors, les servait si bien l'un et l'autre. Le mémoire que Necker avait composé pour le roi seul, sur l'établissement des assemblées provinciales, se trouva dans d'autres mains puis dans des mains infidèles et hostiles, qui, pour soulever contre son auteur les parlemens et les intendans, trahirent le secret de l'Etat, et livrèrent à la publicité une pièce évidemment vouée au mystère.

Assailli tout-à-coup par des haines si puissantes; ébranlé dans son crédit, sans lequel il ne se croyait aucun moyen d'être utile; trouvant désormais né– cessaire pour lui d'être présent à la discussion de ses plans, et de faire cesser ce jeu funeste d'une approbation ostensible et d'une opposition intérieure, Necker demanda l'entrée au conseil : on lui offrit les entrées de la chambre : il n'entendit la plaisanterie et donna sa démission (1). Quelques personnes ont cru que Maurepas n'avait

pas

tes, et tous les attributs du génie de la finance qui triomphe des traitans et des abus, était couvert d'un papier bleu. Cette plaisanterie de cour eut quelque succès, et les partisans de M. de Maurepas et de l'ancien ordre de choses n'appelèrent plus le Compte rendu que le compte bleu. (Note des nouv. édit.)

(1) On trouve dans les éclaircissemens, (note G), un morceau piquant sur les causes qui amenèrent une rupture entre M. de Maurepas et M. Necker.

(Note des nouv. édit.)

pas voulu pousser sa vengeance si loin; que ; que satisfait d'humilier Necker par ce refus, s'occupant même du présent plus que du passé, et jugeant ce collègue trop redoutable pour lui, s'il le laissait entrer au conseil, il eût voulu le garder dans la dépendance, ne fût-ce que par la difficulté de lui trouver un successeur. Plusieurs amis de Necker lui reprochèrent alors un orgueil trop inflexible: ils lui représentèrent qu'il possédait toute l'estime du roi et toute la bienveillance de la reine; qu'il n'avait qu'à s'armer d'un peu de patience; que Maurepas plus qu'octogénaire, et d'une santé dépérissante, ne le gênerait pas long-temps, et que, cet obstacle écarté, il n'y avait plus rien qui ne fût facile pour le bonheur de la France, rien qu'on ne dût se promettre de l'union entière et de l'action libre d'un roi et d'un serviteur uniquement préoccupés de la félicité publique, du soulagement des pauvres, de l'adoucissement des lois et de l'amélioration des moeurs. La reine voulut faire un effort sur l'esprit de Necker et le voir en particulier. Tout ce que Sa Majesté put lui dire, , pour l'engager à continuer ses services au roi, fut inutile. Elle eut beau lui représenter que le crédit public, que les moyens de soutenir la guerre et d'en rendre l'issue honorable, souffriraient de sa retraite des affaires; il fut inflexible. Il prouva par là que son Compte rendu avait été plutôt publié par des motifs personnels que par des vues de bien public; il se retira, et sa retraite affligea alors tous ceux

ans,

qui craignaient qu'elle n'influât sur la tranquillité de l'État. Maurepas mourut dans l'année; mais, pour se défendre contre les accusations de la France entière, il avait, pendant les derniers mois de sa faveur, travaillé à remplir l'esprit du jeune roi de préventions contre le caractère de Necker. Il eût été forcé de le ménager, si celui-ci eût consenti à rester en place, et Necker même eût acquis de nouveaux droits par un sacrifice d'autant plus généreux qu'il lui était plus difficile. Mais il avait quitté cette place, et il n'y fut pas rappelé. On lui a fait, depuis dix de vifs, de nombreux reproches. S'il en est beaucoup qui appartiennent à l'aveugle esprit de parti, il en est aussi que la vérité incorruptible ne peut désavouer mais le plus grave qu'il y ait à lui faire, le plus difficile pour lui à repousser, est peut-être d'avoir quitté le ministère en 1781. S'il eût été près du roi le jour où Maurepas expira, le grand crédit lui aurait été dévolu. Il n'y eût eu ni déficit, ni notables, ni états-généraux, ni révolution. Necker croyait alors que le pouvoir d'imposer appartenait au souverain. Il croyait qu'un corps de troupes étrangères devait entrer dans la politique d'un roi de France. Il voulait, par l'établissement des assemblées provinciales, mettre le trône à couvert de l'attaque séditieuse des parlemens, comme le peuple à l'abri des dangers d'une administration arbitraire ou aveugle. Alors tout le clergé romain de France était en communion de

,

charité avec le directeur protestant des finances françaises. Cette partie de la haute noblesse qui, avec le mérite d'une instruction ravelle, conservait le feu sacré, non-seulement de 1 honneur, mais de la probité, de la franchise, du patriotisme enfin de la pureté antique, elle se ralliait autour d'un ministre qui lui paraissait respirer les mêmes sentimens, à qui elle ne demandait rien que de faire le bien, et qu'elle y encourageait de toute son estime et de tous ses suffrages. La confiance de toutes les classes inférieures de la société était aussi pleine et aussi entière que celle du clergé et de la haute noblese. On était entraîné, enflammé par les résultats si brillans qu'offrait le Compte rendu. C'eût été un crime que d'en discuter un seul article; le roi y voyait l'amour de ses sujets assuré pour lui; le courtisan, un moyen d'appuyer les grâces qu'il pouvait solliciter; le créancier de l'État, la sûreté du paiement de ses rentes et de ses primes, et du remboursement de ses capitaux ; l'artiste y découvrait l'espérance de pouvoir donner un jour à ses talens tout le développement dont ils seraient susceptibles. Enfin tout ce que la philosophie avait de pur, et la littérature de distingué, jouissait de voir en France un philosophe et un littérateur homme d'État, comme l'avaient été en Angleterre, Bacon, Morus, Oxford, Addisson. M. Necker entraînait avec lui toutes les académies, tout ce qui était célèbre par l'esprit, ou tout ce qui prétendait à l'être et,

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