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du roi, rivalisèrent avec les plus valeureux grenadiers dans la tranchée de Gibraltar. L'utilité se joignait à l'éclat. La neutralité armée de l'Europe montrait que les conseils de la France étaient aussi puissans que ses armées. Louis XVI semblait s'être chargé lui seul de la cause publique; et tandis

trer à l'Opéra, il fut obligé de paraître sur son balcon avec madame la duchesse, et d'y recevoir les acclamations de tout le peuple.

» Rendu à l'Opéra, tout le monde se leva, et il fut applaudi pendant vingt minutes! l'orchestre se joignit aux clameurs de l'assemblée en exécutant une fanfare triomphale. On avait délibéré de lui présenter une couronne, mais on n'osa pas. >>

Les dépêches qui survinrent changèrent tout-à-coup l'opinion du public à son égard. « On parla d'un signal que le duc de Chartres n'avait pas voulu comprendre, et de deux vaisseaux qu'il avait laissé échapper.»> Quoi qu'il en soit, ce prince fut en butte aux traits les plus amers; Bachaumont, rapporteur aussi fidèle du blâme que des éloges, raconte à ce sujet les anecdotes qu'on va lire.

«Le premier jour de l'année, l'un des premiers personnages de la cour et le duc de Chartres avaient fait, pour s'amuser, une liste de sept colonnes, dans chacune desquelles ils classaient toutes les femmes présentées, qui venaient faire leur cour à Versailles : ces sept colonnes étaient, belles, jolies, passables, laides, affreuses, infámes, abominables. Une seule s'est trouvée inscrite sur la première colonne, et deux dans la seconde. Les méchans de la cour n'ont pas manqué de prendre des copies de cette liste et d'en faire part aux femmes étiquetées; entre celles-là était la marquise de Fleury, rangée parmi les abominables. Si elle n'est pas partagée des dons de la nature à l'extérieur, elle a beaucoup d'esprit et du plus malin. Quelques jours après, elle s'est trouvée à souper au Palais-Royal. Le duc de Chartres est venu causer avec elle; la marquise l'a reçue bien froidement. Il s'en est suivi une explication: le prince s'est assez mal défendu; madame de Fleury outrée

qu'il préservait la plus grande partie de l'Europe du fléau de la guerre, tandis qu'il envoyait ses armées triompher dans le Nouveau-Monde, il répandait dans l'intérieur de son royaume tous les bienfaits de la paix. Alors il fondait ou améliorait les hôpitaux; il faisait descendre l'humanité dans les prisons; il honorait et encourageait l'agriculture, ouvrait des canaux, desséchait des marais, construisait des ponts; il abolissait la servitude, établissait des écoles pour le peuple, réformait les lois criminelles, faisait disparaître la question préparatoire; il égalisait la répartition des impôts, en allégeait le poids pour la partie la plus souffrante de ses sujets, s'imposait à lui-même des retranchemens sévères, et soumettait partout la comptabilité à des lois invariables. La paix arriva, couronnée en apparence de tous les succès qu'on avait pu

a fini

par dire : : Heureusement, Monseigneur, il y a à appeler de votre jugement, on sait que vous ne vous connaissez pas mieux en signalemens qu'en signaux.»-Mémoires de Bachaumont, tom. XIII, pag. 288.

Pendant le carnaval de la même année, cette première aventure fut suivie d'une seconde au moins aussi piquante. « On ne saurait » nombrer les propos mordans que le duc de Chartres a remboursés » dans ces jours de liberté et de licence où, sous l'incognito, se >> disent bien des vérités. A un bal de l'Opéra il faisait la revue >> des femmes avec M. de Genlis: ce dernier lui en fit remarquer >> une qui le frappa par la figure : le prince la regarda sous le nez, >> et dit : « Ah! c'est une beauté passée. -Monseigneur, lui » répliqua la dame piquée, c'est comme votre renommée. » Mé moires de Bachaumont, tom. XIII, pag. 342.

(Note des nouv. édit.)

se promettre de la guerre. Le pavillon français avait maintenu l'égalité; l'armée de terre avait remporté l'avantage. Il n'y avait plus de commissaire étranger à Dunkerque, la France pouvait fortifier ses places à sa volonté, et les colonies anglaises existaient en république.

Mais cette république était formée par les sujets d'un roi, qu'un autre roi avait aidés dans leur révolte. Mais ces armées de terre et de mer, en mêlant leurs drapeaux et leurs pavillons avec ceux du congrès américain, avaient entendu un langage nouveau, et avaient appris à le parler elles-mêmes. Bientôt le conseil de marine qui fut tenu à Lorient, pour juger les officiers de la flotte commandée par le comte de Grasse, déclara ceux qu'il voulait mettre l'abri de tout reproche, dignes de l'estime de la nation, formule qu'on peut trouver très-simple en elle-même, mais qui cependant était très-nouvelle en France. Tous ces guerriers à la fleur de l'âge, qui avaient couru se battre dans le Nouveau-Monde, étaient partis Français, et revenaient Américains. Ils n'avaient été chercher que des périls et de la gloire militaire : ils rapportaient des systèmes et de l'enthousiasme patriotique. Ils reparurent au milieu d'une cour, offrant sur leur poitrine les cicatrices des blessures reçues pour la cause de la liberté, et sur leurs vêtemens le signe extérieur d'une décoration républicaine. La Fayette, qui s'était fait l'allié des Américains avant que son roi le fût devenu, qui avec l'ardeur et la prodigalité de toute

passion forte, mais avec un mystère et une persévérance incompréhensibles à son âge, avait armé un vaisseau pour la cause des États-Unis, l'avait chargé de munitions de toute espèce jusqu'à la valeur de près d'un million, et s'était dérobé à sa famille pour aller s'y embarquer sans que personne eût pénétré son secret; La Fayette, qui avait commandé une armée d'insurgens, qui avait vaincu avec elle, que les États-Unis avaient adopté pour citoyen, et que Washington, pendant six ans, avait appelé du nom de fils; La Fayette rentra dans son pays natal, plein du désir brûlant et des vaines illusions d'une liberté exotique, qui, transplantée en France, devait y produire des fruits si différens de ceux qu'il en attendait. Il eut, dit-on, dans son arrière-cabinet, à Paris, un carton renfermé dans un cadre brillant, et partagé en deux colonnes sur l'une on lisait la déclaration des droits proclamée par les Anglo-Américains : l'autre était restée en blanc, et paraissait attendre la même déclaration émanée des Français. Son ivresse était bien moins étonnante encore que celle qu'il excitait. La monarchie n'avait ni assez de voix pour célébrer, ni assez de faveurs pour récompenser ce jeune champion de la liberté républicaine. Cette fameuse bataille de Beaugé, dans laquelle le maréchal de La Fayette avait vaincu et tué le frère de Henri V et sauvé la couronne à Charles VII, ne fut pas plus célébrée autrefois, que ne l'était aujourd'hui la journée de Brandiwine, où son jeune descendant avait ramené

:

à la charge les bandes américaines, et avait été renversé à leur tête de deux coups de feu. Depuis le rang le plus élevé jusqu'aux plus simples citoyens, on se disputait à qui lui porterait le suffrage le plus flatteur, à qui lui exprimerait la plus tendre bienveillance. Si la reine se faisait peindre en pied pour le général Washington, c'était à la demande du marquis de La Fayette. Le roi le faisait passer pardessus tous ses anciens sur le tableau militaire, pour lui donner un grade égal à celui qu'il avait eu en Amérique. Des ministres désiraient l'avoir pour adjoint; et on lui montrait d'autant plus d'égards, qu'il témoignait plus de répugnance pour ce qu'il appelait des places de cour. Son buste était inauguré dans la salle de l'Hôtel-de-Ville à Paris. Sa femme se trouvait à une audience de la grand'chambre le même jour que le comte du Nord; et l'avocat-général de la cour des pairs complimentait l'épouse du marquis de La Fayette, en même temps que le fils de l'impératrice Catherine. Quel âge, quelle raison eussent été à l'abri d'une séduction dont tout le monde se rendait ainsi complice ? Enfin, et c'était là sans doute le dernier caractère de cet enthousiasme si étrange, comme c'était le plus frappant symptôme de la contagion qui menaçait, on vit la jeune et bouillante magistrature des enquêtes du parlement de Paris rechercher le compagnon d'armes et le disciple chéri de Washington, rêver même aux moyens de se l'associer, Il est constant qu'il y eut des démarches faites pour que le

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