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missions sous peine de forfaiture: quatre ans après, le 4 septembre 1778, le parlement de Rouen envoyait au roi sa démission, à la suite de remontrances où il avait osé paraphraser ce fameux vers : L'injustice à la fin produit l'indépendance.

C'était précisément cette année que les colonies anglo-américaines, après s'être déclarées indépendantes de leur métropole et de leur souverain, obtenaient du roi de France de se lier avec elles par un traité qui ne tarda pas à allumer la guerre dans les quatre parties du monde, et dont le résultat fut de créer à la paix un état de choses encore plus funeste que la guerre même.

Joseph II étant à Versailles, on lui avait demandé son avis sur les projets des insurgens américains. « Je me récuse, avait-il répondu; mon métier à moi est d'être royaliste (1). C'était exprimer en une seule phrase tout ce qu'il y avait à dire, et tout ce qu'il y avait à faire ou plutôt à ne pas faire, dans cette grande et périlleuse circonstance (2).

(1) Cette réponse, qui se répandit rapidement, alarma les partisans des Américains. On craignait qu'elle n'inspirât à Louis XVI le désir d'examiner en royaliste la cause des indépendans et les principes sur lesquels ils appuyaient cette cause.

(Note des nouv. édit.)

(2) Joseph II, avide de gloire et jaloux de celle de Frédéric, se passionna pour ce roi qui, dans ses Mémoires, juge ainsi le fils de Marie-Thérèse. « Ce jeune prince, dit-il, avec le désir d'appren» dre, n'a pas la patience de s'instruire. » Ce mot explique toute la conduite de l'empereur qui commença, sans les consommer,

ces,

Il faut rendre justice au comte de Maurepas : soit amour du repos, soit terreur des conséquenil ne voulait pas prendre parti dans cette querelle. Il lutta dans le conseil, jusqu'à la dernière extrémité, contre l'avis du ministre de la guerre qui fut celui qui prévalut : mais il n'eut pas la force de tenir contre la réunion de tous les autres mi

un grand nombre d'innovations. Le désir de la célébrité paraît l'avoir mû pendant les premières années de son règne. Le prince de Ligne qui vécut dans son intimité, a fait son portrait. En voici quelques traits: « Joseph II ne put pas être un grand homme, mais il fut un grand prince. Il ne s'abandonna point à l'amour ni à l'amitié, peut-être parce qu'il s'y sentait trop porté. Souvent il mêla trop de calcul aux affections. Il avait peur de passer pour partial dans la distribution de ses grâces: il les accordait sans y joindre aucune manière aimable et les refusait de même. Il aimait la confidence et même il était discret, bien qu'il se mêlât de tout. Il gouvernait trop et ne régnait pas assez. Il n'a jamais manqué de parole. Il se moquait du mal qu'on disait de lui. C'est à l'agitation de son sang qu'il faut attribuer l'inquiétude de son règne. Il n'achevait ni ne polissait aucun de ses ouvrages, son seul tort a été de tout esquisser, le bien comme le mal. » On a cité beaucoup de réponses spirituelles ou piquantes faites par ce prince pendant qu'il voyageait sous le nom du comte de Falkenstein.

et

La principale cause de sa mort prématurée fut le chagrin que lui causèrent l'insurrection des Pays-Bas et les outrages faits à sa sœur la reine de France dont heureusement il ne vit point la fin. Témoin de ses derniers momens, le prince de Ligne a transmis sur sa fin quelques détails pleins d'intérêt. « Joseph II, dit-il dans sa lettre du12 février 1790, est mort avec fermeté, commeil a vécu. C'estavec le même esprit méthodique qu'il a fini et commencé, il a réglé le cortége qui devait accompagner le saint-sacrement qu'on portait à son lit de mort. Il avait l'air d'arranger son ame comme il avait voulu arranger tout lui-même dans son empire. Il me dit peu de

nistres avec le sentiment de la nation, car jamais guerre peut-être n'a été plus populaire en France que celle de 1778. La cause en était, pour quelques-uns, dans le progrès des idées nouvelles; pour beaucoup, dans le besoin d'action qui tourmentait une jeunesse nombreuse, ardente, oisive; mais pour tous, dans l'abus que l'Angleterre avait fait de sa fortune après la guerre de sept ans, dans cette paix impossible à dévorer, qu'elle avait imposée à la France en 1763; dans cette présence d'un commissaire anglais à Dunkerque, présence qui, depuis

momens avant sa mort : Votre pays m'a tuẻ: la prise de Gand a été mon agonie, et l'abandon de Bruxelles ma mort. Quelle avanie pour moi! j'en meurs. Il faudrait être de bois pour que cela ne fút pas. Allez aux Pays-Bas faites-les revenir à leur souverain, et, si vous ne le pouvez pas, restez-y: ne me sacrifiez pas vos intérêts; vous avez des enfans.»

Une circonstance qu'on ne doit pas oublier est relative à MarieAntoinette. Près de rendre l'ame, Joseph, en pensant à cette reine infortunée, lui rendit ce témoignage : « Je n'ignore point, s'écria-t-il, que les ennemis de ma sœur Antoinette ont osé l'accuser de m'avoir fait passer des sommes considérables. Prêt à paraître devant Dieu, je déclare que cette inculpation est une horrible calomnie !» Il mourut, le 10 février 1790, à 49 ans.

Ses goûts, ses idées, ses opinions, son humeur ne sympathisaient pas avec ceux de sa mère, si l'on en croit l'abbé Georgel qui avait résidé long-temps à Vienne; malgré son respect extérieur pour elle, il laissait assez souvent transpirer, n'étant alors qu'héritier du trône, son éloignement pour ses principes d'administration. Il se permettait même quelquefois des plaisanteries sur ses défauts, et désapprouvait surtout l'inquisition de Marie-Therèse dans l'intérieur des familles : il disait un jour à ce sujet : << Quand les portes et les fenêtres sont fermées, la police n'a plus rien à voir. » (Note des nouv. édit.)

quinze ans, avait été une insulte de tous les jours. La réponse des Privernates au sénat romain sera éternellement vraie. « Observerez-vous les articles de » paix qui vont se conclure?—Oui, s'ils ne sont pas >> tellement durs et humilians, que ce soit pour >> nous un droit et un devoir de les rompre dès » que nous pourrons le faire avec avantage. >> Ainsi le duc de Choiseul avait été obligé de signer le traité de paix en 1763, et il s'en était vengé, dès 1769, en travaillant à soulever Boston, et en allumant cette étincelle qui, dix ans après, devait devenir un incendie irrésistible.

Aucun roi de France n'avait été meilleur Français que Louis XVI, plus attaché que lui à l'honneur national. Tous les sentimens dont ses sujets furent transportés à cette époque, se rassemblèrent, pour ainsi dire, dans son cœur. Il s'était passionné pour la renaissance d'une marine française. Il avait augmenté les fonds destinés à ce département; et chaque fois qu'on lui annonçait quelques économies dans d'autres branches de l'administration, son premier mot était toujours : « Nous aurons des vaisseaux de plus. » Il avait aussi créé une flotte admirable, et il brûlait de la voir se signaler. Une petite circonstance avait encore exalté sa disposition naturelle. En lisant l'historien Gibbon, il avait été choqué de rencontrer cette phrase dans le sixième volume : « Qu'importe qu'un prince de la maison de Bourbon dorme sur un trône dans le midi? » On l'avait entendu s'écrier avec vivacité : « Je mon

trerai à messieurs les Anglais que je ne dors pas.

Tous ces sentimens étaient naturels, ils étaient louables pour la plupart, il n'y en avait pas un qui ne fût plausible. Ils furent abondamment satisfaits. Suffren, Bouillé, La Motte-Piquet, Guichen, Crillon, La Fayette, Rochambeau, Du Rumain, La Clocheterie, Du Couëdic, Fabri, cent autres qui seraient également dignes d'être nommés, couvrirent de gloire les armes de Louis XVI sur l'un et l'autre élément, jusqu'à la malheureuse bataille du comte de Grasse, qui honora la valeur française en laissant de si vifs regrets sur la discipline. Un prince du sang, entraîné depuis dans l'abîme par les complots d'une faction perverse, fut célèbre alors par l'intrépidité qu'il déploya au combat d'Ouessan (1). Deux autres princes (2), dont un frère

(1) Les avis sont encore aujourd'hui partagés sur la conduite que tint M. le duc de Chartres dans ce combat naval. Le prince fut d'abord reçu avec enthousiasme, parce qu'il arriva avec le courrier. Mais ensuite les dispositions changèrent : le mécontentement de MM. d'Arvilliers et La Motte-Piquet fit soupçonner la vérité ; la cour fit mettre dans la Gazette de France une de ces inculpations vagues qui rendent l'apologie difficile. Les marins demandèrent le rappel du prince pour lequel on créa la charge de colonel-général des hussards; ce qui était décider la question sur ses talens comme marin.

Les écrits du temps ont conservé le souvenir des honneurs exagérés rendus à sa conduite et qui furent presque immédiatement suivis des plus mordantes épigrammes.

<< Rien de plus curieux à voir, dit Bachaumont, que le délire des Parisiens en faveur du duc de Chartres. Avant de se mon

(a) Mgr. le comte d'Artois, et le duc de Bourbon.

W.

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