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cour par la présentation d'une si étrange favorite. La duchesse de Choiseul, et sa belle-sœur la duchesse de Grammont, refusaient de manger avec elle chez le roi.

Outrée de ce dédain, et craignant elle-même qu'on ne réussît à la bannir du cœur de son royal amant, la favorite voulut aussi avoir sa ligue, ses serviteurs et ses appuis. Elle appela le rival ambitieux du duc de Choiseul, M. le duc d'Aiguillon. Ce rival, outre l'habileté de ses conseils et l'activité de ses passions, avait aussi un parti à donner. Le traité se conclut promptement. Le duc d'Aiguillon fut aussi avant dans les bonnes grâces de la comtesse Du Barry, que le duc de Choiseul l'avait été dans celles de la marquise de Pompadour. Le chancelier Maupeou ne douta pas du triomphe de cette coalition, et se hâta d'y entrer. Créature du duc de Choiseul, il promit de lui porter les premiers ou les derniers coups (1). On lui promit la destruc

(1) « L'ascendant que paraissait conserver sur lui le duc de Choiseul, dit M. Lacretelle en parlant du chancelier, le força de différer ses hommages à la comtesse Du Barry ; mais dès qu'il vit la faveur de cette dame assurée par la présentation, il vint assídûment prostituer la simarre devant elle de peur qu'elle ne lè jugeât capable de garder de la reconnaissance à l'auteur de sa fortune. La favorite se fit un jeu de mettre à l'épreuve la bassesse servile et soutenue du chef de la magistrature. Le chancelier Maupeou imagina le premier de se supposer des titres d'alliance et de parenté avec les Du Barry, quoique ceux-ci fussent assez généralement accusés de s'être substitués à une famille éteinte. Avec le temps, ils trouvèrent une foule de parens à la cour. Après avoir

tion des parlemens dont l'existence était devenue incompatible avec la sienne. Sans principes comme sans pitié, l'abbé qui administrait les finances se donna à la maîtresse qui les pillait, et au chancelier qui méditait de les obérer. Amour, plaisirs, vengeance, lois, gouvernement, , gouvernement, trésor public, fortunes privées, tout était pêle-mêle; tout s'agitait ensemble dans les mains impures qui jetaient au hasard les destinées de la France.

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Déjà, dans ces momens où le faible monarque ne pouvait rien refuser à l'objet de ses affections, il avait plusieurs fois signé la disgrâce et l'exil de son principal ministre ; puis le lendemain, rendu à luimême, avait déchiré l'ordre au lieu de l'envoyer. Enfin Maupeou vint dénoncer dans son bienfaiteur le complice et le soutien de la révolte des parlemens. Courroucé par ce seul mot, le roi le fut encore davantage en voyant que le duc de Choiseul, suivant la maxime ordinaire dans les troubles domestiques, travaillait à exciter une guerre au dehors. Un incident mit le comble à l'indignation du

servi en quelque sorte de jouet à la comtesse Du Barry, le chancelier lui donnait des conseils et lui persuadait qu'une grande gloire lui était réservée, celle de rétablir dans toute sa force et dans tout son éclat l'autorité souveraine. »>

Aux Mémoires du général Dumouriez qui parle aussi de la comtesse Du Barry, nous joindrons des détails beaucoup plus piquans encore que ceux qu'on vient de lire, sur la conduite de cette favorite et sur la bassesse de ses flatteurs.

(Note des nouv. édit.)

monarque. Le roi et le ministre se rencontrèrent dans la galerie de Versailles. Le ministre était suivi d'un cortège à la tête duquel il semblait être un souverain, tandis que le roi, à peine accompagné, paraissait le ministre en disgrâce. Cette circonstance décida la chute d'un serviteur, représenté aussitôt comme osant se porter pour rival de son maître. Le neveu du duc d'Aiguillon alla remettre au duc de Choiseul une lettre par laquelle le roi l'exilait non-seulement avec dureté, mais avec menaces (1).

Jamais ministre au faîte de la faveur et de la puissance ne fut aussi triomphant que le duc de Choiseul dans sa disgrâce. Outre ses amis et ses partisans, il eut tout-à-coup pour sectateurs enthousiastes tous les ennemis de Maupeou, toutes les légions parlementaires, tous ceux qui dans le choix de la favorite actuelle avaient vu la dégradation du monarque et l'avilissement de la cour, tous ceux qui dans

(1) Son cousin, le duc de Praslin, ministre de la marine, fut renvoyé le même jour, remarque l'abbé Georgel dans ses Mémoires, mais sans être exilé. Il ne figurait dans le ministère que pour y faire les volontés de son parent, et jouir des honneurs et des revenus de son ministère, sans en avoir les charges. Ses commis faisaient le travail approuvé par M. de Choiseul, et il le signait. Une vie indolente et molle dans la société d'une actrice (d'Angeville), et de quelques favoris, remplissait tous les momens qu'il pouvait dérober à la représentation de sa place. Sa chute ne fit aucune sensation; celle de M. de Choiseul fixait seule l'attention du public.

(Note des nouv. édit.)

l'oppression du parlement voyaient l'établissement d'un despotisme sans frein. Pendant douze heures que le duc eut la permission de passer à Paris avant de se rendre au lieu de son exil, la porte de sa maison, où il lui était défendu de recevoir personne, fut assiégée par les flots de la multitude qui venait s'y faire inscrire. Des princes du sang bravèrent toutes les défenses pour venir se jeter dans ses bras. Lorsqu'il sortit de la capitale, il trouva la route bordée de voitures et de peuple jusqu'à la première poste. Les gestes, les applaudissemens, les acclamations, tout exprimait qu'on croyait voir s'éloigner avec lui les derniers restes de l'honneur français et de la liberté publique. Bientôt il y eut une cour à Chanteloup, et Versailles resta désert (1).

La destinée du parlement n'était plus incertaine. Une conduite plus sage eût pu le rendre plus imposant. Le prince de Condé avait voulu remplir le beau rôle de médiateur : c'était mériter la couronne

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(1) « Pour la première fois, disent les auteurs de l'article Choiseul, dans la Biographie Universelle, pour la première fois des courtisans encensèrent le malheur, insultèrent au parti victorieux, et se plurent à braver les nouveaux distributeurs de grâces: une seule était universellement sollicitée avec un courage jusque-là sans exemple, la permission d'aller à Chanteloup. Le portrait de l'illustre exilé fut sur toutes les tabatières; et dès que le roi, fatigué d'importunités, n'eut trouvé d'autres moyens de s'y soustraire que de ne plus rien défendre, la route de Chanteloup fut couverte de voitures. >> (Note des nouv. édit.)

civique, après avoir obtenu plusieurs fois celle des guerriers (1). Il avait donné aux magistrats l'avis salutaire de réclamer contre l'offense qui leur était faite, sans priver le peuple de la justice qu'ils lui devaient. Persuadés pour un moment, ils avaient repris leurs fonctions, puis les avaient de nouveau interrompues. Quatre fois le roi leur ordonna de remplir les devoirs de juges sous peine de désobéissance, et quatre fois ils désobéirent. Enfin, au milieu d'une nuit, tous les membres du parlement furent arrachés à leur sommeil par deux mousquetaires chargés d'un ordre du roi, pour que chaque magistrat eût à répondre individuellement par oui ou par non, s'il voulait ou ne voulait pas reprendre ses fonctions. La nuit, il y eut partage d'opinions. Le matin, quand tous furent réunis au Palais, ceux mêmes qui avaient dit oui, dirent non. La nuit suivante on les éveilla de nouveau, pour leur signifier un arrêt du conseil qui confis→ quait leurs charges, et une lettre-de-cachet qui les exilait, la plupart dans des lieux horribles, malsains, inhabités et presque inhabitables. En moins

(1) Un homme de lettres rempli d'esprit et de talent, qui a passé plusieurs années de sa vie auprès de M. le prince de Condé, et dans les mains duquel nous avons remis une foule de lettres ori→ ginales de ce prince, s'occupe de rédiger en ce moment des Mémoires sur sa vie. On trouvera dans ces Mémoires qui enrichiront notre Collection, des particularités peu connues et des détails remplis d'intérêt sur l'héritier du vainqueur de Rocroi.

(Note des nouv. édit.)

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