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chantant au son de la flûte des chansons faites pour la circonstance; Silène présidait à leur œuvre, et le vin doux coulait sur la route que suivait le cortége.

Venait ensuite une autre troupe portant en pompe des vases et des ustensiles d'or, savoir : quatre cratères d'or semblables à ceux de Laconie, autour desquels courait une guirlande de pampres; d'autres encore de la contenance de quatre métètes; puis deux vases corinthiens, avec des figures remarquablement belles, quatre grands trépieds d'or et un buffet du même métal garni d'une vaisselle précieuse et sur l'étagère un grand nombre de figures d'un travail exquis, deux calices d'or et deux de cristal doré, avec d'autres beaux ouvrages.

Suivaient seize cents enfants en tuniques blanches, couronnés les uns de lierre, les autres de branches de pin. Deux cent cinquante d'entre eux portaient des conges d'or et quatre cents des conges d'argent, trois cent vingt autres portaient des coupes d'or et d'argent. Ils puisaient du vin dans les urnes et dans les tonneaux, et ceux qui se trouvaient dans le stade n'en buvaient pas modérément.

On voyait sur un troisième char à quatre roues, traîné par cinq cents hommes, un antre extrêmement profond peint en rouge et entouré de lierre, d'où s'envolaient des colombes, des ramiers, des tourterelles avec des rubans attachés à leurs pattes pour que les spectateurs pussent les prendre. Deux fontaines en jaillissaient, l'une de lait, l'autre de vin. Les nymphes qui entouraient le char portaient des couronnes d'or.

Sur un quatrième char figurait Bacchus à son retour des Indes. Le dieu était conduit en triomphe assis sur un éléphant, vêtu de pourpre, une couronne de lierre et de pampres d'or sur la tête, un thyrse d'or à la main, et avec la chaussure dorée. Devant lui, et sur le cou de l'éléphant, était assis un satyre de cinq coudées, couronné de feuillages de pin en or, qui semblait faire un signe de la main droite dans laquelle il tenait une corne de chèvre aussi en or. Tout le harnais de l'éléphant était en or ainsi que la guirlande de lierre qui s'enlaçait à son cou. Après lui marchaient cinq cents petites filles vêtues de pourpre, et ornées de tresses en fil d'or.

Puis venaient cinq troupes nombreuses d'ânes, montés par des silènes et des satyres couronnés; derrière eux vingt-quatre chars tirés par des éléphants, soixante par des béliers, douze par des

snaks, sept par des oryx, quinze par des buffles, huit par des autruches, sept par des gazelles, quatre par des zèbres.

D'autres chars, traînés par des chameaux et par des mules, portaient les tentes de nations étrangères, et des femmes indiennes assises à côté d'autres femmes habillées en captives. Plusieurs chameaux marchaient chargés de trois cents mines d'encens, de deux cents livres de safran, de cassie, de cinnamome, d'iris et d'autres parfums. Des Éthiopiens suivaient avec des présents; les uns avec six cents dents d'éléphants, d'autres avec deux mille madriers d'ébène; d'autres encore avec soixante cratères en or et en argent et des paillettes d'or. Deux mille quatre chiens tant de l'Inde que de l'Hyrcanie, ou molosses et autres, étaient accouplés avec des laisses aussi en or. Puis s'avançaient cent cinquante hommes portant des arbres auxquels était suspendue une grande quantité de gibier, et de volatiles de toute espèce, comme perroquets, paons, pharaons, faisans et autres oiseaux d'Éthiopie. On voyait ensuite cent trente moutons d'Éthiopie, trois cents d'Arabie, vingt de l'Eubée, vingt-six bœufs entièrement blancs, quatorze léopards, seize panthères, quatre lynx, trois jeunes ours, une giraffe et un rhinocéros d'Ethiopie. Tous ces animaux avaient été réunis dans le but de flatter la passion de Ptolémée Philadelphe pour l'histoire naturelle; ce musée vivant dut sans doute contribuer à faire faire des progrès à cette science.

Un autre char était suivi par des femmes richement vêtues et aux ornements magnifiques, portant inscrits sur leurs couronnes d'or les noms des villes de l'Ionie, des Grecs d'Asie et des îles assujetties à la domination des Perses.

Callisthène, ne faisant mention que de ce qui était en or et en argent, au milieu de cette pompe merveilleuse, passe sous silence beaucoup d'objets dignes d'être vus et racontés, tels qu'un grand nombre de bêtes féroces et de chevaux; vingt-quatre lions de la plus forte espèce; beaucoup d'autres animaux sauvages; des aigles de douze coudées; des chars à quatre roues avec les images des rois et des dieux; un char portant six cents musiciens, parmi lesquels on voyait trois cents joueurs de cithare, dont les instruments étaient revêtus d'une feuille d'or battu et dont les couronnes étaient du même métal; deux mille taureaux d'une même couleur, avec le front et les cornes dorés; sept palmiers hauts de huit coudées; un foudre et un caducée, tous deux de quarante coudées, et un temple, le tout en or;

une quantité de figures dorées. On comptait dans ce cortége trois mille deux cents couronnes d'or, et il en était une aussi en or enrichie de perles et consacrée aux mystères et aux cérémonies religieuses ayant quatre-vingts coudées de tour, si bien qu'elle embrassait l'entrée du temple de Bérénice. Nous abrégeons ce récit en passant les quatre cents chars qui portaient les vases d'argent, les vingt autres sur lesquels brillaient ceux en or, et les huit cents chargés d'aromates. Toute cette procession, où resplendissait tant de magnificence, marchait accompagnée de nombreuses troupes de cavalerie et d'infanterie couvertes d'armures éblouissantes.

Le premier Ptolémée survécut deux ans à cette solennité; Philadelphe suivit ses traces durant son règne de trente-huit ans, plus tranquille encore que celui de son père. Comme il n'avait aucun goût pour la guerre, il n'en favorisa les sciences qu'avec plus d'ardeur. Il multiplia les édifices, embellit Alexandrie, augmenta l'armée navale, et rendit l'Égypte la première puissance maritime et l'une des premières sur terre. Il eut toujours deux flottes nombreuses à l'ancre dans la mer Rouge et dans la Méditerranée. Deux cent mille fantassins, quarante mille cavaliers, trois cents éléphants, deux mille chars armés de faux et un arsenal approvisionné pour armer trois cent mille Egyptiens, le mettaient à même de ne redouter aucun ennemi. S'il ne possédait pas en effet trente mille cités, comme le dit Théocrite, il avait certainement un royaume des plus florissants : les revenus de l'État s'élevaient à quatorze mille huit cents talents égyptiens, sans compter les tributs en nature; et malgré la nombreuse armée qu'il tint sur pied, il laissa à sa mort sept cent cinquante mille talents dans le trésor. Nous ignorons quel était le système de répartition de l'impôt; nous savons seulement que la perception en était affermée dans les provinces du dehors, à la très-grande oppression du peuple.

Si l'adulation n'allait pas habituellement jusqu'à ressembler beaucoup à la moquerie, on pourrait prendre pour une ironie le surnom de Philadelphe (ami de ses frères) donné à ce prince, quand on pense aux dissensions continuelles dans lesquelles il fut engagé avec ses frères, qui périrent misérablement, ou dont il fit trancher les jours sous de misérables prétextes. Sa jalousie l'anima souvent contre Magas, son frère utérin, à qui Ptolémée I avait, comme nous l'avons dit, confié le gouvernement de Cyrène. Ma

gas marcha sur Alexandrie; mais Philadelphe y fit entrer quatre mille Gaulois, en même temps qu'à son instigation les Marmarides, peuples nomades de la Libye, envahissaient la Cyrénaïque, ce qui força Magas à revenir sur ses pas.

Magas s'était acquis l'amitié d'Antiochus I en épousant sa fille; aussi celui-ci, dans l'intention de le seconder, s'empara-t-il de Damas; ce qui ne l'empêcha pas de perdre plus tard ses provinces de l'Asie Mineure et la suprématie sur la mer Égée. Son fils Antiochus II se réconcilia avec le roi d'Égypte en épousant sa fille Bérénice, dont nous avons vu la fin malheureuse. Magas, ayant de son côté fiancé au fils de Ptolémée Philadelphe la main de Bérénice sa fille unique, avec Cyrène pour dot, cette province se trouva réunie à l'Égypte après cinquante et une années de séparation.

Ptolémée Philadelphe, dont la constitution était débile, s'appliqua surtout à conserver la paix; il entretint des relations amicales avec les Romains, qui devaient sitôt diriger tout à leur gré dans ses États. Il donna à Fabius Gurgès et à chacun des ambassadeurs envoyés par Rome une couronne d'or, qu'ils acceptèrent; mais ils les posèrent le lendemain sur la tête des statues du roi disséminées dans la ville. Les autres dons qu'il leur prodigua furent déposés par eux dans le trésor de Rome. C'était ainsi qu'ils acquéraient à leurs concitoyens une réputation de générosité et d'intégrité qu'ils ne devaient pas tarder à démentir.

Philadelphe, répudiant le genre de vie modeste de son père, introduisit la mollesse asiatique dans ses États. On vit alors pour la première fois une cour imposer le ton et la mode à tout le monde. Il corrompit les mœurs en donnant l'exemple de se marier dans sa propre famille, car il épousa sa sœur Arsinoé, veuve de Ceraunus, qui exerça sur lui un pouvoir absolu, bien qu'elle ne fût plus en âge de le rendre père.

303-266.

Sous son règne, la philosophie grecque pénétra jusque dans l'Éthiopie, et brisa dans ce pays le joug sacerdotal, qui jusque-là avait pesé sur toutes les classes. Ergamène, roi des Éthiopiens, surprit un jour tous les prêtres dans le temple, et se fit souverain absolu (1). Ptolémée Évergète, que Ptolémée Philadelphe avait eu de sa pre- Ptolémée III. mière femme répudiée, monta sur le trône après lui; mais, au lieu de se contenter comme lui de voir l'Égypte prospérer par le com

(1) Diodore, I.

246.

merce et par une politique prudente, il ambitionna la gloire perilleuse de conquérant. Séleucus II ayant répudié sa sœur, il résolut de la venger. Son armée se répandit donc dans l'Asie antérieure, conquit la Syrie jusqu'à l'Euphrate et une grande partie de l'Asie Mineure, de la Cilicie à l'Hellespont. Cette expédition fut favorisée par les dissensions nées entre Séleucus et son frère Hiérax. Évergète eut de plus l'avantage de ne pas avoir à combattre les Parthes et les Bactriens, dont les royaumes ne faisaient que de se fonder. Il ramassa dans ses excursions un immense butin, et, ce qui flatta surtout les Égyptiens, ce fut de lui voir rapporter deux mille cinq cents simulacres enlevés à l'Égypte durant les guerres de Darius, et soixante durant celle de Cambyse. Cette restitution patriotique et religieuse lui valut la vénération des Égyptiens et le surnom d'Évergète (bienfaiteur).

Il finit par conclure avec Séleucus une trève de dix ans, en abandonnant spontanément ses conquêtes, à l'exception de SéleuciePiérie, port d'Antioche, à l'embouchure de l'Oronte.

Bérénice, sa femme, avait fait vou, s'il revenait vainqueur, de faire offrande de sa chevelure au temple élevé dans Chypre par Philadelphe en l'honneur d'Arsinoé. Elle accomplit son vœu ; mais quelque temps après la chevelure disparut. Alors l'astronome Conon, de Samos, déclara l'avoir découverte dans le firmament, et il en donna le nom aux sept étoiles voisines de la queue du Lion; aussitôt des fêtes sacrées et profanes célébrèrent la chevelure de Bérénice, immortalisée par les savants et par les poëtes.

Ptolémée, tournant ensuite ses armes vers le midi, soumit la plus grande partie de l'Abyssinie, une portion du pays montagneux qui s'étend le long du golfe Arabique, la plaine de Sennaar jusqu'au Darfour, et la haute chaîne de montagnes qui se prolonge au delà des sources du Nil. Il dirigeait en personne cette expédition, tandis que ses généraux occupaient par terre et par mer les côtes de l'Arabie heureuse. Ptolémée Évergète éleva à Adula en Éthiopie un monument dont l'inscription, thême ardu pour les érudits (1), portait que son père lui avait laissé, outre l'Égypte

(1) COSMAS INDICOPLEUSTES nous en a conservé une copie.

Voy. Monumentum adulitanum, dans la Bibl. Græca de Fabricius, tom. II.

MONTFAUCON, Coll. Part., t. II.

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