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Poëtes didactiques.

de Solon, dans lesquels se déploya l'admirable fécondité des Muses grecques. La comédie avait déjà renoncé à son ancienne licence politique; Ménandre lui apporta quelque dignité en y introduisant certains éléments sérieux empruntés à la tragédie, en lui imprimant un caractère philosophique, et en la rendant, ce qu'elle est demeurée depuis, le tableau des vices et du ridicule, sans mélange de satire personnelle. Le petit nombre de fragments qui nous restent de lui sont précieux pour l'élégance du style. Mais nous ne pouvons juger de l'intrigue, et de la manière dont il sut la conduire, que par les imitations de Plaute et de Térence. Il n'eut pas la variété inépuisable d'Aristophane; les mêmes caractères reviennent sans cesse dans ses pièces; bien plus, les mêmes personnages, comme les masques de l'ancien théâtre italien. On peut dire qu'ils sont tous énumérés dans ce distique d'Ovide:

Dum fallax servus, durus pater, improba lena
Vivent, dum meretrix blanda, Menandros erit (1).

La prose, paraissant trop simple et trop naturelle, était reléguée bien après l'art des vers; de sorte que le siècle le moins poétique possible était réputé l'être éminemment. La poésie se trouvant ainsi entraînée hors de ses voies, qui sont la tradition, la représentation et l'inspiration, on voulut revêtir ce qui n'est que précepte du prestige de la versification, et l'on inventa les poëmes didactiques (2), forme bâtarde, qui n'est susceptible ni des élans vigoureux de la poésie, ni de l'exactitude limpide de la prose. On composa donc des poëmes sur les phénomènes de la terre et du ciel, sur l'organisme humain, sur l'astrologie judiciaire; et l'on criait merveille dès que les choses les plus difficiles à exprimer avaient été rendues de la manière la plus éloignée du naturel, seul mérite que l'on apprécie en ce genre. Nicandre chanta les remèdes que l'on emploie contre les animaux venimeux, en parant son style d'expressions surannées, étranges, et les plus triviales de chaque dialecte. Dicéarque fit une description de la Grèce en vers ïambiques. Sotade peignit les obscénités les plus dégoûtantes. L'Egyptien Manéthon traita de l'influence des étoiles sur l'exis

(1) Amours, I.

(2) Les seuls pédants, pour la commodité de la classification, rangeront Hésiode parmi les poëtes didactiques.

tence; Archestrate, des poissons, des légumes, et de tout ce qui contribuait aux délices de la table.

Aratus, qui l'emporta sur tous ses prédécesseurs, mit en vers un traité d'anatomie, puis le système astronomique d'Eudoxe. Il en résulta la perte des livres de ce dernier, et la preuve que son interprète était assez peu versé dans la science des astres; mais ce genre d'études prit faveur, grâce à son poëme, qui dans la suite servit de texte aux commentaires de divers mathématiciens. Or, c'était surtout aux commentaires qu'il aspirait, pour rester fidèle à la distinction alors établie, et maintenue depuis chez les Romains, entre le vulgaire et les esprits cultivés. Cicéron accrut sa réputation en traduisant son ouvrage en latin.

Aratus,

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Chérile, Agis d'Argos, Cleon de Sicile, Pierrion, s'adonnèrent Poésie lyrique à la poésie lyrique; mais c'était la fange des cités grecques (1): stipendiés par Alexandre pour chanter ses exploits jour par jour, en dénigrant les anciens capitaines macédoniens, ils gagnèrent de l'or, mais furent déshérités par la gloire.

Callimaque, issu du sang royal de Cyrène, fit, tant en prose qu'en Callimaque vers, plus de huit cents compositions. Il échoua dans la comédie, et parvint à la postérité par ses hymnes et ses élégies. Cette dernière forme poétique survit assez généralement aux autres, attendu qu'elle n'exige pas l'enthousiasme, mais plutôt ces doux accords qui conviennent aux siècles méditatifs. Comment pouvait-on attendre d'une époque telle que la sienne, dénuée de toute naïveté dans les mœurs et dans les croyances, des hymnes qui exprimassent les vifs élans d'une âme pieuse vers les sublimes régions d'où l'on domine les misérables événements de la terre? Quiconque, mettant de côté les préjugés d'école, comparera un psaume avec les meilleurs hymnes de Callimaque, sentira dans le premier l'effusion des cœurs ardents et convaincus, auxquels le sien ne manquera pas de faire écho; tandis qu'il apercevra chez Callimaque l'effort de l'homme érudit, qui, accumulant des traditions de temps et d'origine divers, cherche dans sa mémoire ce qu'il ne trouve pas dans son âme, raisonne et se rappelle, là où il ne faudrait que sentir (2).

Pouvait-il en être autrement dans un temps où les dieux étaient

(1) Urbium purgamenta. Q. CURCE, VIII, 5.

(2) Il nous reste de lui six hymnes et soixante-quatre épigrammes. G. Par

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Bucoliques.

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tantôt bafoués sur la scène, tantôt niés dans les écoles, et où les tyrans et leurs courtisanes étaient divinisés ? Maintes fois Aratus, le chef de la Ligue Achéenne, le front ceint de guirlandes, entonna des hymnes en l'honneur d'Antigone. Toutes les poésies de cette époque contiennent les louanges les plus serviles prod:guées aux Ptolémées déifiés, comme celles de Callimaque, qui chanta aussi la chevelure de Bérénice, que l'on avait placée parmi les constellations. Callimaque était pourtant en si haute estime parmi ses contemporains, que les Rhodiens bannirent Apollonius, qui avait osé rabaisser son mérite.

la

Un genre nouveau fit revivre en Sicile la gloire d'une littérature qui avait fourni à la Grèce les premiers modèles de l'éloquence et Theocrite. du théâtre. La poésie pastorale y fut créée par Théocrite, qui par ses beaux vers essaya de ramener la pensée aux jours heureux où l'île du Soleil jouissait en paix de la tranquille abondance des champs. Mais quoi! l'on sent bien vite que ses chants sont éclos à la cour splendide de Ptolémée; les louanges de ce prince et celles de Bérénice se mêlent sans cesse aux accents de la muse pastorale; car il veut que le commencement, le milieu, fin de toutes ses compositions poétiques, s'ennoblisse du nom de Philadelphe, le plus grand des héros. On s'est plu à penser que la poésie pastorale était née de la satiété causée par les raffinements de l'existence de cour, à y voir comme un regret de l'imagination embellissant le souvenir de ce qu'elle a perdu : mais encore bien que le naturel de certains chants de Théocrite soit favorable à une pareille supposition, on trouve, à y regarder de plus près, que ses vers ont pour unique but de mettre mieux en relief la magnificence royale par le contraste de la simplicité champêtre, et d'ajouter au merveilleux des fêtes du palais, en les faisant décrire par des hommes grossiers qui, comme le dit Dante, demeurent muets d'admiration quand, rustiques et sauvages, ils entrent dans une grande ville. Bien plus, le panégyriste de la vie champêtre n'a pas honte de tendre la main aux rois, en leur disant : Ma muse reste négligée dans la solitude; encouragez-la, et elle saura se présenter avec une noble confiance.

Si néanmoins nous considérons le poëte esthétiquement, il faut

THEY (Das alexandrinische Museum) nous donne de bonnes informations sur la Science de cette époque.

avouer que la contexture de son vers et la naïveté de sa phrase sont admirables, bien qu'il n'évite pas toujours les jeux de mots délices de son siècle; que lui seul parmi les poëtes bucoliques a su réunir l'originalité et le naturel, et que ses personnages sont vraiment des bergers; tandis qu'on n'en saurait dire autant de ceux de Virgile, de Segrais, de Gessner, de Voss; et bien moins encore de ceux de Guarini et de Sannazar, qui trahissent la fiction, en montrant pour les champs un enthousiasme digne seulement de ceux qui n'y ont jamais vécu.

Les idylles de Bion de Smyrne et celles de Moschus de Syracuse sont moins pastorales que les églogues de Théocrite, et font preuve de moins de génie; elles seraient mieux nommées élégies ou chants mythologiques.

180.

L'idylle mourut avec les poëtes que nous venons de nommer, et Epigrammes. la poésie alla se rapetissant de plus en plus ; si bien que vint la vogue des épigrammes, compositions très-brèves, toutes différentes de ce qu'indique leur nom, et de l'idée que nous nous en formons aujourd'hui. Leur forme primitive dut être celle de l'inscription, comme leur nom en fait foi (πíypaμμa), et il n'est pas de monument, de tableau, de statue, sur lesquels il n'en ait été tracé quelqu'une ; il en a été mis sur les tombeaux, sur les hermès qui bor. daient les chemins, sur les trophées, sur les offrandes que l'on faisait aux dieux en accomplissant des vœux. Elles devinrent ensuite un exercice n'ayant que l'art pour but; tantôt elles rendirent quelque trait d'esprit, tantôt elles sont l'expression d'un sentiment quelconque; c'était un applaudissement, une satire, une plaisanterie, une épitaphe, un récit d'accidents tendres ou tristes; et, dans leur variété infinie, elles atteignent parfois jusqu'au sublime et parfois inspirent les vertus domestiques. Il en est qui brillent par la finesse, d'autres n'ont pour elles que la délicatesse de la pensée ou de l'expression quel qu'en soit le sujet, elles doivent être si parfaites dans leur brieveté qu'il n'y apparaisse pas la moindre tache. Métrodore en fit quelques-unes, sur l'astronomie et la géométrie, qui sont réellement de petits poëmes; d'autres contenaient des énigmes, ou présentaient quelques difficultés à résoudre (1). Quand on les lit une à une, elles flattent, et on les admire; mais, prises ensemble, elles

(1) Théon d'Alexandrie fit entrer dans un seul vers tous les dieux qui donnent leur nom aux jours de la semaine : Ζεύς, Ἄρης, Παφίη, Μήνη, Κρόνος, Ηλιος, Ἑρμῆς.

T. III.

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font réfléchir avec tristesse sur l'épuisement et la décadence de ce puissant génie grec qui avait créé l'Iliade et le Prométhée. On en fit plusieurs anthologies, et quelques-unes avec des titres bizarres (1).

Un but d'utilité fit entreprendre plus tard d'autres collections de ce genre. On reconnut que les inscriptions gravées sur les monuments pouvaient être d'un grand secours à l'histoire, et l'on commença à les recueillir deux siècles avant J. C. Palémon Périégète en fit une collection (περὶ τῶν κατὰ πόλεις ἐπιγραμμάτων). Il redigea aussi un catalogue des dons offerts aux dieux et placés dans l'Acropolis d'Athènes, de ceux du trésor de Delphes, et d'autres sanctuaires. D'autres firent, à son exemple, comme simple étude littéraire, des recueils d'épigrammes de tout genre, auxquels ils donnèrent, selon le goût du temps, des titres recherchés, les appelant guirlandes, bouquets de fleurs (anthologies), etc. Après celui de Méléagre de Gadara, où les compositions de quarante-six auteurs sont disposées par ordre alphabétique, selon la lettre initiale de chacune, Philippe de Thessalonique en fit un plus étendu, et disposé de même, au temps de J. C. On en dut un autre à Diogénien d'Héraclée, contemporain d'Adrien mais tous furent perdus, comme celui de Diogène Laërce (IIάμμεтpov), qui comprenait les épigrammes à la louange des hommes illustres. Il nous en reste deux cent vingt de la Пadix Mouca de Straton de Sardes, qui célèbrent d'infâmes amours.

Agathias de Myrine, historien et poëte, compila, vers la fin du sixième siècle, un recueil d'épigrammes, sous le titre de Cercle (Kúxλos), en sept livres par ordre de matières (2). Il fut aussi perdu, (moins la préface en cent trois hexamètres) après avoir nui aux lettres en ce qu'il fit négliger les collections antérieures de Méléagre et de Philippe, plus riches de morceaux antiques et d'un goût plus pur.

Plusieurs des compositions réunies par ces derniers ont été sauvées par Constantin Céphalas, littérateur du dixième siècle, qui

(1) Celle de Méléagre de Gadara était intitulée Λεκισθοῦ καὶ φακῆς σύγχυσις, Les lentilles au jaune d'œuf.

(2) Dans le Ier, les épigrammes dédicatoires (¿va@nμátixa), c'est-à-dire ins. crites sur les offrandes déposées dans les lieux sacrés; dans le IIo, les descriptions de pays et d'objets d'art; dans le III, les épitaphes; dans le IV*, celles relatives à la vie; dans le V, les vers scoptiques, c'est-à-dire satiriques; dans le VI, les vers érotiques ou amoureux; et dans le VII, les vers bachiques ou chants de table.

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