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fiques, se montrait assidu près des courtisanes les plus fameuses, mettait son esprit en frais pour leur trouver des noms plus capricieux que ceux qu'elles avaient apportés de leur pays, inventait des modes qui lui procuraient l'honneur d'être cité en même temps que les femmes les plus élégantes. Son cuisinier acheta de riches domaines, rien qu'avec le produit des reliefs de sa table. Quand il allait se promener après le dîner, les jeunes garçons qui faisaient trafic d'infamie couraient en foule pour se montrer, et se récriaient sur le bonheur de Théognide, son favori. Il foulait les tapis les plus précieux, sa chevelure était imbibée des parfums les plus renommés, et ses discours n'étaient qu'apprêt, subtilités, paroles pleines d'afféterie (1). Il n'étouffa pas le besoin général de philosophie et de poésie qu'éprouvaient les Athéniens de toute classe ; mais il le fit se fourvoyer, en encourageant les débauches de l'art, les sophismes de l'érudition, les spéculations politiques.

Quand il célébra les solennités de Bacchus, les poëtes vantèrent sa beauté, qui effaçait celle du soleil, et la noblesse de sa race, à lui, qui avait eu pour père un esclave de Timothée. Ce fut pourtant là l'homme qui durant dix années maintint l'ordre et la tranquillité dans la ville, lui imposa de sages règlements, et obtint son amour au point qu'elle lui éleva autant de statues que l'année compte de jours. Mais la Grèce marchait à sa ruine, et toute valeur morale y mourait, afin que bientôt il ne restât pas même aux vaincus de Rome la consolation de mériter un regret. Il nous suffira de dire que, dans les nécessités les plus urgentes de la guerre, chaque homme du peuple reçut une drachme pour aller au théâtre, et qu'au moment où Démétrius Poliorcète assiégeait Athènes, on courait au spectacle comme pour y apaiser la faim (2). On peut donc juger de l'accueil enthousiaste que les Athéniens firent à ce dernier lorsqu'il entra dans leur ville en chassant Démétrius de Phalère, en la proclamant libre, en y répandant à profusion les vivres, l'argent, les plaisirs auxquels le portait son âge de vingtsept années seulement.

Mégare fut aussi délivrée de la garnison macédonienne, et le

(1) Voy. Carist., ATHÉNÉE, liv. XII.

(2) DENYS D'HALICARNASSE, du Jug. de Tuc., c. xviii.

T. III.

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Chypre.

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fils d'Antigone continua l'affranchissement des villes grecques, c'est-à-dire l'abaissement du parti aristocratique, jusqu'au moment où son père le rappela pour l'opposer à Ptolémée, dont la puissance maritime s'était accrue et qui s'était emparé de Chypre. Bataille de Démétrius se rendit en toute hâte à Salamine, et sortit vainqueur de la bataille navale de Chypre, la plus sanglante dont l'histoire fasse mention. Il avait sous ses ordres cent-quatre vingts voiles; Ptolémée cent cinquante, sans compter les bâtiments de transport. Démétrius en prit quarante, en coula bas le double, et fit prisonniers huit mille hommes des navires de charge. Le courtisan Aristodême, en portant cette heureuse nouvelle à Antigone, le salua roi, titre qui jusqu'alors avait été le privilége des Alexandrides; il fut adopté ensuite par Démétrius, Séleucus, Ptolémée, Lysimaque ; Cassandre fut le seul qui s'en abstint.

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Guerre de

Rhodes.

La bataille de Chypre, comme les batailles navales, en général, ne décida rien, et Ptolémée, s'appuyant sur les autres rois, sut habilement dissiper l'orage. Antigone et son fils pressèrent activement leurs préparatifs, et attaquèrent l'Égypte; mais d'une part les dispositions prises par Ptolémée pour se défendre, de l'autre la saison, qui fut des plus défavorables, firent avorter l'entreprise. Ils cherchèrent alors à lui nuire par un autre moyen, en lui enlevant l'empire de la mer, et (comme Napoléon fit de nos jours, à l'égard de l'Angleterre) en fermant tous les ports aux navires de l'Égypte, afin d'anéantir le commerce, source des richesses de cette contrée.

Rhodes, déjà opulente au temps d'Homère, donna une plus vaste extension à son commerce quand Tyr fut tombée, et parvint à une grande prospérité. Elle se gouvernait en république sous des présidents renouvelés tous les six mois et qui étaient tout à la fois les chefs du sénat et de l'assemblée du peuple. Elle avait par suite de son commerce des délégués dans tous les pays du monde; et comme Gènes et Venise plus tard, en même temps qu'elle s'appliquait au négoce elle déployait une grande activité politique. Nonseulement ses flottes dominaient sur la mer Égée, mais elle éten dait ses opérations dans la mer Noire et dans la partie occidentale de la Méditerranée, jusqu'en Sicile, en trafiquant avec les trois parties du monde. Le produit des douanes de ses ports remplissait abondamment les coffres de l'État; aussi elle élevait de splen

dides édifices, et tenait dignement son rang parmi les puissances du premier ordre, en favorisant les sciences, les lettres et les beaux-arts (1).

Sa politique à l'extérieur consistait, comme celle des peuples commerçants, à vivre en paix avec tout le monde, et à ne contracter d'alliance particulière avec aucune nation, pour éviter jusqu'aux moindres occasions de guerre. Elle avait cherché durant les discordes récentes à se maintenir en équilibre entre les deux rivaux, en élevant des statues à l'un comme à l'autre; hommages excusables s'ils n'avaient pour but que la prospérité publique. Mais alors Antigone voulait que Rhodes se déclarât contre Ptolémée; et comme elle hésitait, il la fit attaquer par Démétrius, qui déploya contre elle toute l'habileté qui lui avait valu le nom de Poliorcète. Les Rhodiens opposèrent à ses deux cents vaisseaux de guerre et à ses cent soixante bâtiments de transport, à ses machines d'une force terrible, l'unité de résistance, le courage de gens qui veulent la liberté, l'indomptable constance des citoyens et des étrangers hommes libres ou esclaves, combattant tous pour leur propre défense. Après une année d'assauts furieux, Démétrius comprit qu'il. ne dompterait jamais un peuple qui lui opposait une résistance aussi énergique; il se résigna donc à traiter. Les Rhodiens furent exemptés de recevoir garnison étrangère, à la condition de seconder Antigone dans toutes ses entreprises, excepté contre Ptolémée. Ils se firent pardonner leur défaite par ce dernier, en lui rendant les honneurs divins, et en lui donnant le titre de sauveur (Soter), pensant ne pouvoir acheter trop cher leur sûreté et la faculté de se livrer de nouveau au luxe, au commerce, à la culture des arts.

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Démétrius s'était décidé à s'éloigner de Rhodes, pressé qu'il était d'accourir en Grèce, où Cassandre et Polysperchon s'étaient entendus pour y opprimer les États encore libres et ceux qu'il avait émancipés. Ayant débarqué à Aulis, il chasse de la Béotie les troupes de Cassandre, se joint aux Étoliens et rentre dans Athènes, sauvée ainsi de la vengeance de Cassandre; on l'y salue pour la seconde fois comme libérateur. Il est reçu dans le temple de Pallas au chant de l'Itiphalle, hymne réservé pour les

(1) Voyez G. D. CH. HAULSEN, Commentatio exhibens Rhodi descriptionem, macedonica ætate; Göttingue, 1818.

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Fêtes d'Athènes.

divinités du premier rang, et les Athéniens répètent en chœur autour de lui : « Toi seul es le vrai Dieu; les autres dorment ou voyagent, ou n'existent pas ; mais toi, fils de Neptune et de Vé«< nus, tu dépasses tous les hommes en beauté; tu es l'ami sincère « du peuple, c'est à toi qu'il adresse sa prière (1)

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La magistrature des Archontes ayant été abolie, les années reçurent leur nom de celui du prêtre des Dieux Sauveurs, titre sous lequel on désigna les deux princes: deux tribus, la Démétriade et l'Antigonide, furent ajoutées aux anciennes. Le mois munychion fut changé en Démétriade, et en Démétries les fêtes Dionysiaques (2). Les Athéniens prodiguèrent le titre de roi à Démé

(1) ATHÉNÉE, liv. VI.

(2) Les Athéniens, au nom de toute la Grèce, célébraient en l'honneur de Cérès, qui introduisit avec l'agriculture les habitudes de la vie sociale dans le pays, trois fètes des plus solennelles. La première s'appelait Proérosie, parce qu'elle précédait le temps des semailles; on y offrait un grand nombre de victimes, en invoquant la protection des dieux pour la semence qu'on allait livrer à la terre.

La seconde se nommait Thesmophorie, parce que l'on y considérait Cérès comme législatrice. Durant cinq jours on la solennisait avec des cérémonies semblables à celles pratiquées en Égypte en l'honneur d'Isis, s'il faut s'en rapporter sur ce point à Plutarque, à Diodore de Sicile et à Théodoret. Chaque jour les femmes des dix tribus de l'Attique choisissaient parmi elles celle qui devait présider aux cérémonies. Le prêtre qui offrait la victime était désigné par le nom de Stéphanophore, c'est-à-dire porte-guirlande. Les femmes qui avaient apporté trois talents en dot pouvaient exiger de leur mari l'argent nécessaire pour la dépense des sacrifices, que chacun faisait en proportion de sa fortune. Elles se réunissaient pour aller en procession à Éleusis en chautant des hymnes les livres contenant les mystères de la fête, et les lois données à l'Attique par Cérès, étaient portés par des femmes d'une vie irréprochable. Dix jeunes personnes d'une naissance illustre étaient à cet effet entretenues aux frais de l'État, et avaient pour demeure le Thesmophorion. Arrivées à Éleusis, elles se préparaient aux saints mystères par un jour de jeûne et de prières aux pieds de la statue de la déesse. Une vieille se présentait ensuite devant Cérès en la provoquant, et aussitôt que celle-ci avait ri, les jeunes filles s'excitaient mu tuellement à rire aussi. Les hommes étaient exclus des processions et des purifications des jours suivants. Les prisonniers admis aux mystères de Cérès, s'ils n'avaient été condamnés antérieurement, restaient libres durant ces cinq jours, afin d'assister aux cérémonies.

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La troisième fête en l'honneur de Cérès, dite les Mystères, était la plus sainte. Instituée par Cérès, ou par le roi Érechthée, ou par Musée, ou par Eumolpe, elle réunissait vers le mois d'août à Éleusis tous les initiés. Nul ne pou vait célébrer les grands mystères s'il ne s'était d'abord purifié par les petits. Il fallait pour cela vivre neuf jours dans la continence, offrir des sacrifices et faire

trius et à Antigone avant même qu'il leur fût donné par les flatteurs de Milet, et ils les appelèrent dieux avant les Égyptiens. Leurs exploits furent brodés sur les voiles de Pallas, que l'on exposait tous les cinq ans à la fête des Panathénées. Un autel fut même élevé à l'endroit où le pied de Démétrius toucha d'abord la terre en débarquant. L'adulation descendit encore plus bas, car Athènes éleva des temples à Lééna et à Lamia, courtisanes qu'il aimait sous les noms de Vénus Lééna et de Vénus Lamia, et ses favoris Buricus, Adimanthe et Oxisthème obtinrent aussi des temples avec des sacrifices et des libations.

C'étaient pourtant là les fils de ces Athéniens qui condamnèrent à mort un ambassadeur pour avoir salué le roi de Perse en se prosternant à l'orientale! Comme rien ne corrompt davantage un tyran que de lui faire croire à la lâcheté des hommes, Démétrius s'abandonna librement à ses penchants, et foula aux pieds

des prières avec une couronne sur la tête et en ayant sous les pieds la peau d'une victime immolée à Jupiter. Après une année environ on sacrifiait une truie à Cérès, et l'on était alors initié aux grands mystères. Cinq autres années après on était introduit dans le sanctuaire. A la fin de leurs années de noviciat on enseignait aux initiés les rites sacrés, à l'exception de quelques-uns réservés aux prêtres seuls, et de mystés qu'ils étaient, ils devenaient époptés, c'està-dire voyants.

L'hiérophante, Athénien de naissance et de la famille des Eumolpides, présidait à l'initiation : il était élu à vie et obligé à une chasteté perpétuelle : on avait pour lui tant de vénération, qu'on ne prononçait pas son nom devant les profanes. Trois collègues lui étaient adjoints; le dadouchos, qui portait devant lui le flambeau; celui qui remplissait les fonctions de héraut, défendait l'entrée du temple à quiconque n'était pas initié ou s'était rendu coupable d'un crime; le troisième était chargé de desservir l'autel et de rendre les dieux pro. pices. Le roi de la fête, l'un des Archontes, veillait à l'exacte observation des cérémonies, conjointement avec quatre épimélètes élus par le peuple, un de la famille des Eumolpides, un de celle des Cériciens, les deux derniers d'autres familles citoyennes.

La fête commençait le 15 et finissait le 23 du mois boédromion. Nul ne pouvait être arrêté durant cet intervalle de temps, aucune plainte ne pouvait être déposée en justice, sous peine de mille drachmes ou de la vie. La femme qui se serait rendue à Éleusis en voiture aurait eu à payer six mille drachmes, comme pour effacer toute distinction injurieuse entre riches et pauvres.

Les aventures de Cérès étaient le sujet des cérémonjes qui se faisaient durant ces huit jours. Celui qui violait le secret était puni par l'infamie et parfois par la mort, de même que celui qui par hasard aurait assisté aux mystères sans en avoir le droit. Les coupables d'homicide, même involontairement, ne pou. vaient être initiés.

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