Imatges de pàgina
PDF
EPUB

187-176.

Rome, fidèle au rôle qu'elle avait adopté, ne garda pas pour elle un pouce de territoire, et distribua ses conquêtes à ses deux plus puissants alliés dans cette guerre. Les Rhodiens eurent la Carie et la Lycie; Eumène, les deux Phrygies, la Lydie, l'lonie, la Chersonèse. Or la perte de ces États fut moins préjudiciable à Antiochus, que d'avoir à côté de lui un rival et un surveillant si puissant; de même que Massinissa avait été placé aux portes de Carthage, et les deux Ligues près de Philippe.

Antiochus fut ensuite assassiné, lorsqu'il voulait s'emparer des trésors d'un temple, pour payer le tribut qui lui avait été imposé: Séleucus IV. son fils Séleucus Philopator vécut dans l'état de paix auquel le condamnait sa faiblesse. L'Arménie s'était rendue indépendante après la défaite d'Antiochus, et les deux gouverneurs Artaxias et Zariadras constituèrent les deux royaumes de la grande et de la petite Arménie, que nous verrons figurer plus tard dans l'histoire de Rome.

190.

Galates.

Nous avons vu, un siècle avant ces événements, les Gaulois s'établir dans la Phrygie, sous le nom de Galates. Ils y avaient fondé une aristocratie militaire, dans laquelle étaient pris douze tétrarques électifs et temporaires, chargés de l'administration des dí

étaient exemptés de droits comme avant la guerre. Si Antiochus avait donné
ǎ d'autres quelques-unes des cités qu'il était tenu à rendre, il devait en faire
sortir les garnisons et les étrangers. Si quelqu'un avait recours à lui par la
suite, il lui était enjoint de refuser. Antiochus s'obligeait à payer aux Romains,
en douze années, douze mille talents du meilleur argent attique, à raison de
mille par an,
le talent ne pesant pas moins de quatre-vingts livres romaines; et
en sus, quatre cent quarante mille boisseaux de froment; plus, à Eumène trois
cent cinquante talents par an durant cinq années, en temps convenable,
comme aux Romains. Quant au froment, il devait payer, selon que l'avait es-
timé le roi Antiochus, cent vingt-sept talents et mille deux cent huit drachmes,
que le roi Eumène avait consenti à prendre, cela convenant mieux à son trésor.
Antiochus avait à donner vingt otages qui seraient changés de trois en trois
ans, lesquels n'auraient pas moins de dix-huit ans, ni plus de quarante-cinq.
S'il se trouvait quelque différence dans les payements annuels à effectuer, la com-
pensation se ferait à l'échéance suivante. Au cas où quelques-unes des cités out
nations contre lesquelles Antiochus n'avait pas la faculté de faire la guerre au.
raient été les premières à l'attaquer, il lui serait loisible de les combattre,
mais sans pouvoir acquérir de domination sur ces nations et villes, et sans
contracter alliance avec elles. A l'égard des différends qui pourraient s'élever
entre eux, ils auraient à les faire juger. Si les deux parties contractantes voulaient
d'un commun accord ajouter ou retrancher quelque chose an traité, elles au-
raient la faculté de le faire. » POLYBE, Fragment 26 du liv. XXII.

verses provinces, et qui constituaient le gouvernement. Il y avait en outre le conseil des trois cents, gardien des priviléges de la race conquérante, et cour suprême de justice. Ils laissèrent aux vaincus leur religion, et les Grecs continuèrent à adorer Jupiter et Diane, comme les Phrygiens la Déesse Mère, révérée à Pessinunte sous la forme d'une pierre noire et informe tombée du ciel, en y mêlant les rites follement obscènes des Gaulois. Lors de la seconde guerre punique, les Romains avaient lu dans les livres sibyllins que si un étranger envahissait l'Italie, ils devaient amener à Rome la Cybèle de Pessinunte. Ils envoyèrent donc à cet effet des ambassadeurs dans cette ville, et les Phrygiens leur livrèrent la déesse.

Les Galates se mettaient alternativement à la solde du roi de Syrie et de Pergame, pour lesquels ils étaient des alliés indociles et dangereux. Ce métier et leurs brigandages leur valurent de grandes richesses; de telle sorte qu'Ariamne, un de leurs feuda taires, put tenir table ouverte durant toute une année, obligeant les voyageurs à s'arrêter pour prendre part à son hospitalité (1). Annibal et Antiochus avaient projeté de les attirer dans la ligue qu'ils méditaient; mais ils répondirent qu'ils se trouvaient suffisamment en sûreté au milieu de leurs montagnes. Malgré ce rempart, le consul Manlius attaqua les trois tribus galates des Trocmes, des Tolisboïens et des Tectosages, et, secondé par les prêtres phrygiens, les vainquit, et les obligea à rendre toutes les places enlevées aux alliés de Rome. Ils furent obligés en outre de renoncer au brigandage, et de s'allier avec Eumène, à qui fut remis le soin de les contenir.

lates 189.

La femme du tétrarque Ortiagone, nommée Chiomana, mérita, Femmes Gadans leur défaite, d'échapper à l'oubli. Tombée prisonnière, elle fut donnée en garde à un centurion, qui, brutal et cupide, usa de violence envers elle, puis lui promit la liberté moyennant une rançon d'un talent attique. Elle en donna avis à ses parents, qui, au terme convenu, envoyèrent la rançon sur le bord d'un fleuve; le centurion s'y rendit de son côté avec elle; mais au moment où il pesait l'argent, elle commanda aux esclaves de le tuer, et, emportant sa tête, alla rejoindre son mari. Celui-ci, en apprenant ce qu'elle avait fait, s'étant écrié : O femme, que la fidélité, est une belle chose! —

(1) ATHÉNÉE, IV, 10, 13, 15.

200-190:

Oui certes, reprit-elle; mais il est encore plus beau de pouvoir dire: Deux hommes vivants ne se vanteront pas de m'avoir possédée.

On cite encore Camma, femme du tétrarque Sinate, dont le jeune Sinorix s'éprit si éperdument que, ne pouvant ni vaincre ni satisfaire sa passion, il tua son mari, puis demanda sa main à ses parents. Pressée par sa famille de consentir à cette union, elle céda; mais le jour du mariage elle présenta à l'autel une coupe empoisonnée à son fiancé, après y avoir bu elle-même, et mourut en s'applaudissant de sa vengeance (1).

Les villes de la Troade, de l'Éolie, de l'Ionie, offrirent des couronnes à Manlius, pour les avoir délivrées de ces hordes. Rome continuait ainsi à se montrer en libératrice; et, dans l'espace de dix années, elle était devenue non la maîtresse, mais l'arbitre du monde, depuis l'Euphrate jusqu'à l'Atlantique. Les principales puissances se trouvaient affaiblies au point de n'oser déployer une bannière sans son assentiment : l'Égypte s'était mise sous sa tutelle dès l'année 201; les petits États ambitionnaient son amitié, ou imploraient sa protection. Partout présente par ses émissaires, qui, sous les insignes d'ambassadeurs, jouaient le rôle d'espions et d'agitateurs, elle entretenait les jalousies réciproques, fomentait les factions au dedans et les guerres au dehors, même dans les plus petits pays : elle accueillait toutes les plaintes portées contre Philippe, contre Antiochus ou contre les Étoliens, en donnant toujours raison aux faibles et en condamnant les forts. Ce qu'il y a de prodigieux, c'est que tant de guerres ne l'avaient pas épuisée, et qu'elle envoyait même de nouvelles colonies. Preuve évidente de l'efficacité de son système, qui consistait à se recruter sans cesse parmi les nations italiennes et les affranchis, en se les assimilant (2).

(1) Valère Maxime, VI, 1.— Suidas, s. v. ’Optíαyov. — FLORUS, II, 11. A. VICTOR, 55. -- PLUTARQUE, De la vertu des femmes.

[ocr errors]

(2) Le reste de l'Italie devait être alors très-riche en population, et n'avoir que peu d'esclaves. Voy. une dissertation de DUREAU DE LA MALLE, dans les Mém. de l'Acad. des inscript:, t. X; 1833.

CHAPITRE X.

ROME A L'INTÉRIEUR.

Tandis que la Grèce perdait sa liberté dans les embrassements de cette prétendue sœur, Rome se dépouillait de son caractère original: l'Orient vaincu se vengeait en répandant ses idées et ses usages parmi ses vainqueurs. Ceux-ci s'étant préservés jusqu'alors du vice plutôt par ignorance que par l'effet de doctrines discutées ou de croyances sévères, n'eurent pas plutôt connu les débauches asiatiques, qu'ils s'y précipitèrent.

Ce n'était pas seulement en secret, mais publiquement, dans le forum et dans le Capitole, qu'on adorait les dieux avec des rites diffé rents de ceux de la patrie. Le Saturne latin épousa la Grecque Rhéa; on enleva au Mars sabin son ancienne épouse Nériène, et il fut confondu avec l'Arès homérique ; le Janus étrusque se métamorphosa en Diane, bien qu'il demeurât, en tant que Janus, à côté du Zeus des Grecs, avant lequel il était toujours nommé dans les invocations; une génération de dieux guerriers, ayant à leur tête Romulus, se mêla aux divinités agricoles et pastorales.

En l'an 534 de Rome, le sénat ordonna par un décret la démolition des temples d'Isis et de Sérapis : comme aucun citoyen n'osait prêter la main à l'œuvre sacrilége, Paul Émile donna le premier coup de hache à l'édifice. Quatre-vingts ans après, le préteur C. Cornélius Hispallus chassa de Rome et de l'Italie les astrologues chaldéens et les adorateurs de Jupiter Sébate. Nous venons de dire que lors de la seconde guerre Punique les Romains, afin de ranimer peut-être le courage des citoyens, avaient fait apporter de Phrygie la grande déesse, dont le culte fut une source de nouvelles superstitions. Elles allèrent se multipliant selon que les dangers devenaient plus grands, et jamais les prodiges ne furent aussi nombreux que durant la guerre avec Carthage. Un enfant de six mois cria triomphe dans le forum ; des figures de navires s'empourprèrent dans le ciel, la foudre tomba sur le temple de l'Espérance. Junon brandit sa lance; une pluie de pierres tomba dans le Picenum; ailleurs, une onde sanglante jaillit de la terre; les cieux s'ouvrirent; les idoles se couvrirent de sueur; les poules se changèrent en coqs; il naquit des

T. III.

10

20.

210.

chèvres avec une toison de laine; la lune se choquait avec le soleil, ou apparaissait double.

Pour conjurer ces présages sinistres, les cérémonies se multipliaient; et il semblait que d'autres divinités et d'autres hommes eussent remplacé les anciens (1).

Si dans la Grèce la variété des dieux et l'introduction d'un culte étranger ne devenaient qu'une source nouvelle de beau, chez les Italiens, portés naturellement à appliquer les idées à la politique, elles altéraient la manière de vivre et de se conduire, en fournissant un nouvel aliment à l'orgueil et à la sensualité. Le libertinage et l'habitude de répandre le sang prirent donc un caractère religieux. Le peuple accourut aux jeux des gladiateurs importés de la Campanie, Bacchanales. pour s'y rassasier du spectacle du meurtre. Il se livra dans les bacchanales à tous les excès de la débauche. Le culte de Bacchus, symbole de la vie et de la destruction, était très-ancien chez les Étrusques les initiations se faisaient chaque année durant trois jours, par les femmes seules et à la lumière du soleil. Elles furent perverties, selon Tite-Live, par une prêtresse de Capoue nommée Paula Minia, et par un prêtre grec, qui y admirent ensemble hommes et femmes, et portèrent à cinq par mois les réunions nocturnes. Varron décrit les pompes bachiques à Lavinium, où la figure du phallus était promenée par les rues sur un char, et couronnée par la plus chaste des matrones (1).

186

Ces rites s'étaient introduits secrètement dans Rome, de l'Étrurie et de la Campanie. Titus Sempronius Rutilus, ayant proposé à son gendre de l'y faire initier, celui-ci en fait part à sa maîtresse, qui, saisie de terreur, lui inspire le soupçon que ce pourrait être un artifice pour le faire périr, et ne pas lui rendre compte des biens dont son beau-père avait eu l'administration. Il la croit, et se réfugie près d'une tante. Cette dernière dénonce le fait aux consuls, et l'on apprend ainsi l'existence de ces mystères, dans lesquels les initiés se mêlaient au hasard dans l'obscurité, après avoir couru comme des furieux vers le Tibre, pour y plonger des torches allumées. Quiconque refusait de prendre part aux infamies qui se commettaient était appréhendé par une machine, et précipité dans des gouffres profonds. L'épouvante du vulgaire, l'astuce

(1) TITE-LIVE, XXV, 1 ; XXIX, 5.

(2) S. AUGUST., de Civit. Dei, VII, 21.

« AnteriorContinua »