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Comme Thudippe se désolait en entendant broyer le ciguë, et s'écriait qu'il était injuste de le faire mourir avec Phocion, celuici lui dit : N'as-tu donc pas à te féliciter d'être condamné avec Phocion?

Il répondit à un ami qui lui demandait s'il n'avait rien à faire dire à son fils: Oui, qu'il oublie l'injustice des Athéniens à mon égard.

Il lui fallut prier un de ses amis de lui prêter de l'argent pour acheter de la ciguë, attendu qu'il n'en restait pas assez. Son cadavre fut jeté hors du territoire d'Athènes, sans qu'il se trouvât personne pour lui rendre les devoirs funèbres, tant les âmes étaient avilies. Un fossoyeur le brûla, et un Mégarien ayant recueilli ses cendres les emporta chez lui, et les ensevelit près de son foyer, en priant les dieux de prendre sous leur protection les restes d'un homme de bien, jusqu'à ce que sa patrie, revenue de son égarement, envoyât les redemander.

Le peuple tarda peu à se repentir; il lui éleva une statue, poursuivit ses bourreaux, et ses cendres ainsi que l'humble demeure dans laquelle il avait vécu pauvre et irréprochable devinrent presque l'objet du culte public.

Polysperchon tenait Athènes bloquée pour empêcher que Cassandre, qui était entré dans Munychie, ne prît de l'ascendant dans cette ville; mais, voulant introduire aussi de vive force la démocratie dans le Péloponèse et n'ayant pu y réussir, sa prépondérance lui échappa, d'autant plus que sa flotte fut détruite devant Byzance par Antigone. Le déclin de sa puissance amena l'élévation de Cassandre, à qui les Athéniens se soumirent volontiers, joyeux de recouvrer au prix de la liberté les avantages du commerce et les déOligarchie lices de la paix. L'oligarchie fut donc rétablie dans la cité de Minerve; quiconque ne possédait pas dix mines se trouva exclu du gouvernement. Au lieu d'une magistrature annuelle, on créa un Epimélète pour un temps indéterminé, et cette fonction fut conféDémétrius de rée à Démétrius de Phalère, qui avait déjà dirigé les affaires avec Phocion durant cinq années. Il conserva cette fois dix autres années l'autorité suprême, qui, quoique illimitée, eut toujours pour but l'intérêt public.

dans Athènes.

Phalère.

318-207.

En l'absence de Polysperchon, Eurydice ressaisit l'influence, et s'employa activement pour empêcher le retour d'Olympias et du jeune Alexandre. Ces deux femmes eurent même recours aux

armes; mais Olympias, s'étant avancée au milieu des rangs opposés en tenant dans ses bras le fils du héros dont elle invoquait le nom, les soldats n'osèrent tourner leurs armes contre elle; Eurydice fut livrée avec son mari à Olympias. L'âge n'avait pas dompté chez cette princesse la férocité qui faisait dire à Alexandre: Combien elle me fait payer cher les mois que j'ai passés dans son sein! Elle envoya des Thraces égorger dans sa prison Arrhidée, avec ordre de le mener expirant à Eurydice, en lui laissant le choix entre le poignard, le lacet et le poison. Puissent les dieux, s'écria la malheureuse, offrir un jour à Olympias de pareils présents! Puis, ayant pansé avec ses vêtements les blessures de son époux, quand elle vit qu'il avait rendu le dernier soupir, elle s'étrangla. Olympias immola après elle cent des principaux Macédoniens, au nombre desquels se trouvait un frère de Cassandre.

pias.

316.

Celui-ci ne tarda pas à accourir de l'Asie, trop tard pour secourir les siens, mais assez tôt pour les venger. Il assiégea dans Pydna la veuve homicide de Philippe, s'empara d'elle et la livra Mort d'Olymaux parents de ses victimes, qui la massacrèrent. Polysperchon et son fils empêchèrent plusieurs provinces de recevoir la loi de Cassandre, dont l'autorité s'étendait sur Argos, la côte orientale, la Thessalie, la Macédoine, et entourait d'une surveillance ombrageuse Roxane et son fils. Afin d'acquérir au moins l'apparence d'un titre légitime au pouvoir qu'il exerçait de fait, sinon de droit et de nom, il épousa Thessalonice, sœur consanguine d'Alexandre le Grand, dont les États se trouvèrent fatalement partagés entre les meurtriers de sa famille.

Démétrius..

Dans l'Asie, cependant, Antigone, délivré d'Eumène, se débarrassa aussi de Pithon et de quiconque lui portait ombrage. Sa Antigone et vieillesse vigoureuse s'appuyait sur son fils, Démétrius, jeune homme d'une grand valeur, bien que s'abandonnant trop à la fougue de l'âge, et qui plus tard acquit le surnom de Poliorcète, c'est-à-dire dompteur de villes. Antigone était d'autant plus fier d'un tel fils et de l'harmonie qui régnait entre eux, que des divisions scandaleuses agitaient les familles de ses rivaux. Un jour que les ambassadeurs de Cassandre, de Ptolémée et de Lysimaque étaient réunis près de lui, il leur montra Démétrius, qui, de retour de la chasse et les armes encore à la main, vint s'asseoir à ses côtés : Vous ferez part, je vous prie, à vos maîtres, leur dit-il, de la manière dont mon fils et moi nous vivons ensemble (1).

(1) La condescendance d'Antigone pour son fils était excessive, à tel point

315.

315-314.

314.

Il promit à Séleucus, le plus habile des généraux d'Alexandre, de lui donner la Susiane avec la Babylonie; mais ce ne fut de sa part qu'un moyen adroit pour s'emparer sans obstacle des trésors déposés dans Suse. Lorsqu'il les eut en son pouvoir, il trouva des prétextes pour se déclarer contre Séleucus, qui ne se crut en sûreté que près de Ptolémée, auquel il alla demander asile en Égypte. Antigone, après avoir remplacé Séleucus par Pithon, résolut d'entrer en Syrie pour en chasser Ptolémée; il prit Gaza et Joppé, mit le siége devant Tyr, et s'en empara au bout de quatorze mois. Il poussa même ses excursions jusque chez les Arabes Nabathéens, sur les frontières de la Judée; et Athénée, son général, ayant surpris Pétra, s'y rendit maître d'immenses trésors. Mais les Arabes, revenus de leur effroi, l'investirent au retour, etlui ravirent son butin avec la vie. Démétrius tenta une seconde fois l'entreprise; il trouva Pétra en bon état de défense, l'assiégea, puis offrit des conditions; mais on lui répondit que les Nabathéens plutôt que d'accepter un joug, se retireraient au fond du désert. Démétrius leva donc le siége, et visita le lac Asphaltite. Antigone, informé par lui de la grande quantité de bitume qu'on tirait de ce lac, y expédia des gens pour en recueillir. Les Arabes laissèrent faire, puis quand il fut question d'emporter ce qui avait été extrait, ils tombèrent sur les soldats, en tuèrent un grand nombre, et s'emparèrent de ce qu'avait produit le travail des autres.

Cependant Séleucus avait organisé en Égypte une ligue entre Ptolémée, Lysimaque, Cassandre de Carie et celui de Macédoine, contre Antigone et Démétrius. Antigone, accouru pour empêcher la jonction des confédérés, chassa Cassandre de la Carie, et envoya son fils contre Ptolémée; mais celui-ci, l'ayant défait à Gaza, fit retomber sous sa domination la Syrie entière et la ville de Tyr.

Séleucus profita du moment pour marcher en toute hâte sur la

qu'il plaisantait sur ses désordres. Un jour que celui-ci l'embrassait avec ardeur à son retour d'un voyage lointain : Eh quoi! lui dit-il, t'imagines-tu embrasser Lamia? Cette Lamia était une joueuse de flûte, fort aimée de Démétrius. Comme il prétendait avoir été tourmenté par une fluxion un jour qu'il avait passé en débauches de table, Antigone lui demanda : Était-ce une fluxion de vin de Chypre ou de Thalos ? Venant une fois le visiter pendant une indisposition, il aperçut un de ses mignons sortant de son appartement; puis, ayant demandé à Démétrius comment il se trouvait, sur sa réponse, que la fièvre venait de le quitter, Antigone repartit: En effet, je l'ai rencontrée là sur la porte qui s'en allait.

Babylonie avec treize cents hommes choisis et dévoués ; il s'y ressaisit du pouvoir, et le jour de son triomphe a été considéré depuis comme le commencement d'une dynastie, qui se maintint sur le Tigre et sur l'Euphrate jusqu'au temps des Romains.

cides.

312. 1er octobre.

Le triomphe de Ptolémée ne fut pas de longue durée; car à l'ap- Ere des Séleuproche d'Antigone avec des forces supérieures, il dut abandonner la Syrie et la Phénicie pour se réfugier derrière le Nil. Enfin la première année de l'ère des Séleucides, Antigone conclut la paix avec Lysimaque, Cassandre et Ptolémée, paix dont il exclut Séleucus, auquel il se proposait de reprendre la haute Asie. Les conditions dictées par Antigone furent que chacun conserverait ce qu'il possédait; que les cités grecques demeureraient libres, et que le fils d'Alexandre monterait sur le trône dès qu'il aurait atteint l'âge de majorité. La seconde de ces conditions laissait subsister un foyer de guerres qui devaient renaître sous le plus facile prétexte. La troisième était une atroce raillerie. En effet, Antigone et Ptolémée, voyant l'armée témoigner une vive affection à ce jeune prince pour le seul nom de son père, comme nous avons vu de nos jours à l'égard du fils de Napoléon, chargèrent Cassandre de les en débarrasser. En conséquence Glaucias, commandant de la citadelle d'Amphipolis, où Alexandre et Roxane étaient renfermés, leur donna la mort à tous deux. Cléopâtre tarda peu à les suivre, Antigone craignant que si Ptolémée l'épousait, il ne prétendît acquérir des droits à l'empire. Polysperchon, qui, par opposition à Cassandre, avait mis en avant Hercule, fils de Barsine et d'Alexandre, le tua pour avoir le Péloponèse, bien qu'il n'obtînt par la suite pour salaire que cent talents. La seule Thessalonice, femme de Cassandre, survécut seize ans au massacre des siens. Avec elle périt le dernier débris de la famille du conquérant macédonien, de celui qui naguère se plaignait de ce que le monde était si petit, et de n'en avoir que si peu à subjuguer.

Les villes de la Grèce donnèrent bientôt matière à de nouvelles guerres. Ptolémée voulait qu'Antigone en retirât ses garnisons, Antigone en exigeait autant de Cassandre; mais ni l'un ni l'autre n'étaient disposés à s'exécuter : il en résulta cette conséquence singulière qu'on les vit se faire la guerre pour cette liberté de la Grèce, ensevelie depuis longtemps et qui plus est par leurs mains.

Ptolémée, neveu d'Antigone, parut du moins la prendre sincèrement sous sa protection, car il délivra des Macédoniens Thèbes et

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309.

Démétrius Poliorcète.

Chalcis, puis la Béotie tout entière, la Locride, et s'avança vers l'Attique pour lui rendre l'indépendance. Mais avant d'avoir pu mettre ce dernier projet à exécution, il fut envoyé par son oncle dans le Péloponèse, où il rendit à l'Elide la liberté et les trésors dont elle avait été dépouillée. Antigone cependant, qui voulait opprimer et tromper, non pas racheter et affranchir, laissa éclater son ressentiment contre son neveu, qui chercha un refuge en Égypte près de Ptolémée, et y trouva la mort.

Son cousin Démétrius lui succéda dans la mission de libérateur de la Grèce. Bien différent de lui, des passions despotiques le poussaient aux débauches lascives et à toute l'arrogance orientale. Les Grecs n'en crurent pas moins à ses brillantes promesses, et les Athéniens allèrent au-devant de lui avec des cris de joie, lorsqu'il entra dans le Pirée avec deux cents gros navires et cinq mille taAthènes. lents. Athènes était toujours gouvernée par Démétrius de Phalère,

créature de Cassandre, qui, soutenu par la faction aristocratique et par la garnison, tenait en respect le parti populaire. Cassandre ayant exclu du gouvernement ceux qui ne possédaient pas dix mines de revenu (926 fr.), Démétrius n'était pas exposé aux caprices de la populace, et pouvait agir à son gré. Il avait remis en vigueur les anciens règlements, fait le recensement de la population et rétabli la tranquillité.

La patrie de Thémistocle était désormais réduite au rôle d'État secondaire: ses possessions au dehors étaient perdues, ses revenus diminués; aussi avait-elle plus de penchant pour les tyrans étran gers, pourvu qu'ils fussent splendides, que pour sa propre noblesse. Le souvenir de son ancienne grandeur faisait encore ambitionner aux puissants la gloire de lui commander, aux savants l'honneur d'être loués par elle. Elle n'avait pas d'ailleurs renoncé encore à la splendeur de ses fêtes et des ses initiations, aux concours poétiques. Les philosophes, les courtisanes y affluaient, et qui lui apportait du plaisir était certain d'être le bienvenu, que ce fût Lamia la prostituée, ou le tyran Lacharès, ou le rhéteur Démétrius de Phalère.

Ce dernier, que la beauté de son regard avait fait surnommer charitoblepharos, trouvait à redire aux dépenses faites par Périclès en temples, en portiques et en théâtres, sans se douter de l'importance du sentiment du beau développé par les arts: pour lui, ne recherchant que les plaisirs des sens, il donnait des festins magni

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